Le Festival de Bregenz, ouvert mercredi avec une version visuellement étonnante de la Tosca de Giacomo Puccini, mais accessible au grand public, a fourni jeudi soir un joyau rarement interprété de l'Autrichien Ernst Krenek aux mélomanes adeptes du traditionnel rendez-vous estival.

Charles Quint, «drame avec musique» dodécaphonique composé dans les années 1930 par le compositeur exilé pour cause de nazisme Ernst Krenek (1900-1991) n'a été montré qu'une poignée de fois depuis sa première en 1938, à Essen, Düsseldorf et Munich en Allemagne, Vienne et Salzbourg en Autriche et Zürich en Suisse.

Le Festival de Bregenz, organisé sur le lac de Constance au carrefour de l'Allemagne, de la Suisse et de l'Autriche, s'est fait un devoir de déterrer et de montrer des oeuvres plus complexes et moins connues en parallèle avec des opéras grand public, précise le directeur artistique du festival, David Pountney.

Charles Quint, réputé être le premier opéra long utilisant la musique sérielle développée par l'Autrichien Arnold Schoenberg (1874-1951), raconte la vie de ce souverain du Saint-Empire romain germanique. Sur son lit de mort, l'empereur fait des confessions à un jeune moine, expliquant ses actions et ses motivations pour obtenir le pouvoir absolu.

D'un trait de génie, le metteur en scène allemand Uwe Eric Laufenberg transforme l'opéra en leçon d'histoire, la scène en salle de classe où l'empereur enseigne aux moines, ses élèves.

Il explore non seulement l'histoire de l'Europe au 16e siècle mais aussi celle des années 1930 avec la montée du national-socialisme et du fascisme.

La distribution est de premier ordre avec le baryton allemand Dietrich Henschel dans le rôle éponyme.

Grâce à un timbre chaud et noble, qui contraste avec un corps sec, il s'est fait un nom dans des rôles exigeants. Sur scène pratiquement sans interruption pendant les trois heures du spectacle, Dietrich Henschel maîtrise sa partie avec aisance.

Dans le rôle de la soeur de l'empereur, Eléonore, la soprano germano-espagnole Nicola Beller-Carbone réalise également une excellente performance.

Pour la partie musicale, le chef allemand Lothar Koenigs s'est révélé être un guide attentionné et précis tout au long de la partition aux commandes de l'Orchestre symphonique de Vienne.

Le Charles Quint sera joué encore trois fois pendant le festival, qui dure jusqu'au 23 août.

D'autres oeuvres de Krenek, pilier de l'édition 2008, seront également jouées comme la satire Kehraus um Sankt-Stephan et plusieurs pièces orchestrales, dont le premier et le deuxième concerto pour violon.

L'an prochain, la scène sur le lac, utilisée dernièrement pour le tournage du prochain James Bond, accueillera un Aïda de Giuseppe Verdi tandis qu'une autre oeuvre rare, l'opéra Le Roi Roger du Polonais Karol Szymanowski (1882-1937), sera ressuscitée avec une mise en scène de David Pountney.