Le cinquième stage de perfectionnement de l'Institut canadien d'Art vocal se terminait samedi soir par un opéra, non pas quelque Norma réduite en version concert mais un Don Pasquale parfaitement convaincant en costumes d'aujourd'hui, avec petit décor (deux chaises, une table, une commode) et mise en scène complète.

Le vaste plateau de la salle Claude-Champagne était entièrement utilisé: au fond, une petite scène et, l'entourant, l'Orchestre de la Francophonie canadienne. Les cinq rôles de l'opéra bouffe de Donizetti étaient confiés à autant de stagiaires de l'ICAV dont trois Montréalais déjà en carrière: Alexandre Sylvestre, Pascale Beaudin et Antonio Figueroa.

Monté en 1979 à McGill puis en 1985 et 2005 à l'Opéra de Montréal (qui avait prêté ses surtitres pour cette production), Don Pasquale se raconte en quelques phrases. Le vieux célibataire Pasquale, souhaitant déshériter son neveu Ernesto pour avoir choisi en la belle Norina sans le sou une autre fiancée que celle qu'il lui destinait, décide de prendre femme, malgré son grand âge. Son médecin Malatesta lui présente l'«épouse rêvée» en la personne de sa propre «soeur», qui n'est autre que Norina déguisée, et organise un faux mariage. Aussitôt la cérémonie terminée, Norina se transforme en mégère et rend la vie tellement impossible à Pasquale que le pauvre barbon l'abandonne à son neveu.

Donizetti a fabriqué sur ce scénario plutôt mince deux heures d'une musique qui ne compte pas parmi ses meilleures (il n'y a pas là un seul air à retenir), deux longues heures que ne fait pas oublier un livret assez moyen. Bref, Don Pasquale peut être assommant. Il ne le fut pas samedi; au contraire, la soirée fut brillante et divertissante.

Parce qu'il y avait là, au départ, un vrai metteur en scène de théâtre. À travers quelques trouvailles (le mouchoir et la valise que les musiciens d'orchestre tendent à Ernesto), Joshua Major a su tirer parti de toutes les situations dramatiques et amener ses chanteurs à jouer comme des comédiens d'expérience.

Chacun possédait son personnage à fond. Chez Alexandre Sylvestre, tous les tics du vrai basso buffo d'opéra. Chez Pascale Beaudin, toute la finesse de la parfaite manipulatrice. Chez Antonio Figueroa, une belle gamme expressive, depuis sa bravade face à son intransigeant oncle jusqu'à son désarroi lorsqu'il conclut à la trahison de Norina. Chez l'Américain Marco Nistico (seul étranger de la distribution), l'allure équivoque du serviteur de deux maîtres.

À ce niveau absolument professionnel du jeu correspondait en tous points celui du chant: grand timbre de basse, jusqu'au très grave, de Sylvestre; étincelante vocalità de Beaudin, même lorsque Norina crie dans les oreilles de celui qu'elle appelle «grand-papa»; impeccable qualité de tenore di grazia de Figueroa; baryton de Nistico d'abord un peu sec mais bientôt souple.

Le metteur en scène a même fait une petite place à l'émotion, par exemple lorsque Norina gifle Pasquale. Le silence qui suit glace tout le monde. Éric Thériault a bien joué et chanté les quelques interventions du Notaire. Au pupitre, Paul Nadler, venu du «Met», a apporté sa longue expérience de la scène lyrique.

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Don Pasquale, opéra bouffe en trois actes, livret de Giovanni Ruffini et Gaetano Donizetti, musique de Gaetano Donizetti (1843). Production: Institut canadien d'Art vocal. Samedi soir, salle Claude-Champagne de l'Université de Montréal. Avec surtitres français et anglais.