Steven Garcia s'est récemment arrêté à une station-service de Houston, au Texas, pour faire le plein du vieux camion que son groupe punk utilise pendant ses tournées estivales.

Depuis des mois, le chanteur-guitariste de 23 ans prévoit des dépenses de carburant à son budget en prévision de la troisième tournée de Something Fierce - mais la croissance fulgurante du coût de l'essence à la pompe a tout chamboulé.

«Une fois que j'ai eu compilé les chiffres, j'ai eu comme un éclair du genre «Ça ne marchera (juron) jamais»», a dit Garcia. Après y avoir bien réfléchi, il a annulé la tournée, au grand déplaisir des promoteurs qui avaient réservé son groupe.

S'empiler dans un véhicule rouillé et jouer dans des bars malfamés est un rite de passage pour plusieurs groupes, jeunes et indépendants, qui aspirent à la gloire. Mais comme toute autre activité qui nécessite beaucoup de temps sur les routes, le gallon d'essence à 4 $US (soit un peu plus de 1 $ le litre) a un effet dissuasif d'envergure.

Les coûts ont toujours été une préoccupation importante pour les groupes qui partent en tournée. Mais la somme de 2500 $US que Garcia et ses deux potes auraient dû débourser pour faire l'aller-retour jusqu'à Vancouver s'est révélée être un obstacle insurmontable.

«C'est impossible pour nous d'encaisser un coup comme celui-là», a-t-il dit, avant d'ajouter que son groupe est chanceux d'éviter de plonger dans le rouge même quand les coûts de carburant sont plus raisonnables.

Pour éviter de devoir annuler leur tournée, plusieurs groupes ont décidé de faire front commun, s'empilant dans des véhicules plus petits ou réduisant le nombre de concerts qu'ils donneront.

«Deux de nos groupes, The Revisions et The Estranged, sont partis en tournée dans le même camion, pour partager les frais de carburant», a dit Ken Cheppaikode, le directeur de la maison de disques indépendante Dirtnap Records. Mais avec sept musiciens à bord d'un même véhicule, a-t-il ajouté, il n'y avait plus de place pour un roadie.

Le groupe LoveLikeFire, qui est établi à San Francisco, dépend de ces tournées pour générer un peu d'argent et de visibilité. Il essaie maintenant de jouer plus souvent sur la côte est, puisque les villes sont plus rapprochées les unes des autres que celles de la côte ouest.

«On se demande souvent s'il vaut la peine d'aller si loin quand l'essence vaut presque 5 $US le gallon, a dit la chanteuse du groupe, Ann Yu. On dépense au moins 150 $US en essence pour (se rendre à) un concert, sans aucune garantie de récupérer notre argent. C'est très difficile pour les groupes de la côte ouest, parce qu'il y a peu de villes où jouer qui sont à moins de sept heures de route, et ça peut finir par coûter cher.»

Le rédacteur en chef du magazine Pollstar, qui couvre le monde des concerts, explique que le coût de l'essence touche tout le monde, mais surtout «les nouveaux groupes qui vont en tournée pour survivre. Ils ne sont pas assez populaires pour augmenter le coût des billets pour compenser la hausse du coût de l'essence», a dit Gary Bongiovanni.

En comparaison, poursuit-il, les compressions ressenties par les groupes plus populaires signifieront de partir en tournée avec huit camions au lieu de douze. Ils peuvent aussi exiger des revenus garantis des établissements où ils se produiront.

Les groupes sous contrat avec Dirtnap ne peuvent exiger de telles garanties, dit Cheppaikode, et ils doivent donc éponger eux-mêmes les coûts excédentaires. Ils jouent aussi dans des établissements plus petits qui, de toute manière, ne seraient pas en mesure de leur offrir de garanties.

«Je recommande toujours à mes groupes d'arriver avec amplement (de marchandise) à vendre», a-t-il dit.

Mais encore faut-il pouvoir se rendre sur place. Ceux qui veulent vraiment réussir n'ont donc d'autre choix que de reprendre la route, le prix de l'essence ne devenant qu'un autre obstacle à surmonter en route vers la gloire.

«Quelle est l'alternative?», a demandé Ann Yu. «Ce sont les sacrifices nécessaires pour faire entendre notre musique. Et pour chaque groupe qui ne veut pas ou ne peut pas le faire, il y en a d'autres qui peuvent et qui le feront.»