Trois syndicats de La Presse affiliés à la Fédération nationale des communications (FNC-CSN) somment les élus de l'Assemblée nationale de permettre au quotidien de passer sous le contrôle d'un organisme à but non lucratif (OBNL). Toute tentative de bloquer cette transaction constituera une entrave à l'indépendance des médias, préviennent-ils.

La présidente de la FNC-CSN, Pascale St-Onge, presse les élus de légiférer rapidement pour abroger une loi privée adoptée en 1967, lorsque Power Corporation a acquis La Presse. Cette loi prévoit que l'Assemblée nationale doit approuver la vente du quotidien.

Mme St-Onge rappelle qu'à l'époque, les élus cherchaient à empêcher le quotidien d'être vendu à des intérêts étrangers. En l'utilisant comme prétexte pour retarder, voire pour empêcher sa transformation en OBNL, les parlementaires s'ingèrent dans les affaires internes des médias, prévient-elle.

« Ça ne peut pas être un prétexte pour les parlementaires, les députés, de s'ingérer dans les questions comme son mode de gouvernance, sa transparence économique et ces autres questions, a dit Mme St-Onge. Parce que là, à mon avis, on vient de mettre un pied dans l'indépendance des médias. »

« Ce qu'ils [les parlementaires] n'arrêtent pas de répéter sur toutes les tribunes, c'est qu'ils veulent protéger l'indépendance des médias. En empêchant l'annulation de cette loi-là, donc en empêchant La Presse de se transformer en OBNL, c'est exactement ce qu'ils font. » - Pascale St-Onge, présidente de la FNC-CSN

Jusqu'ici, seul le gouvernement Couillard s'est clairement prononcé en faveur du changement de statut de La Presse. Hier matin, le leader parlementaire, Jean-Marc Fournier, a écrit à ses homologues de l'opposition et aux députés indépendants pour les inviter à légiférer rapidement.

M. Fournier s'est dit favorable au changement législatif, car La Presse est le seul média qui doit obtenir l'aval des élus pour être vendu.

« Ils sont pris avec une obligation particulière, a résumé M. Fournier. Et donc pour les mettre dans la même situation que tous les autres, on procéderait à une dernière autorisation législative avant les futures ventes. »

Puisque la session parlementaire tire à sa fin, l'appui des partis de l'opposition est incontournable, a toutefois ajouté M. Fournier.

DES RÉSERVES DANS L'OPPOSITION

Or, de l'autre côté du Salon bleu, les partis de l'opposition laissent planer le doute quant à leurs intentions.

Le chef du Parti québécois, Jean-François Lisée, s'est montré intéressé par la proposition de M. Fournier, hier.

« On est prêts à faire les consultations en une journée, a-t-il dit. On peut avoir la discussion du projet de loi de façon très brève. Si le premier ministre et M. Fournier veulent déposer un projet de loi public, on a dit une journée de consultations, deux demi-journées de consultations en une journée. Nous, ça nous va. »

Mais du même coup, il a aussi émis des réserves. Il a fait valoir que le président du conseil d'administration de la future fiducie serait nommé conjointement par la direction de La Presse et par Power Corporation. Il craint que cette formule ne permette au conglomérat de conserver le contrôle du quotidien.

« La désignation unilatérale de l'ensemble des membres du conseil d'administration et leur autonomination pour des siècles et des siècles ne me paraît pas le meilleur argument qu'on peut avancer pour assurer l'indépendance de La Presse », a argué le chef du Parti québécois.

La Coalition avenir Québec et Québec solidaire n'ont pas pris position sur l'initiative de Jean-Marc Fournier. Ils comptent annoncer leurs couleurs sur le changement de propriété de La Presse la semaine prochaine, après des discussions au sein de leur caucus.

Photo Martin Chamberland, archives La Presse

Pascale St-Onge, présidente de la FNC-CSN

Photo Yan Doublet, archives Le Soleil

Jean-François Lisée, chef du Parti québécois