Après 33 ans de journalisme et six ans et demi à la tête du service de l'information de Radio-Canada, Michel Cormier part à la retraite en laissant la maison en ordre.

C'est du moins le sentiment qu'il laisse au terme d'une entrevue accordée hier après-midi, quelques heures après l'annonce de son départ.

Celui qui fut tour à tour reporter sur le terrain, correspondant à Ottawa, chef de bureau à Québec, correspondant à l'étranger, directeur régional (Acadie) et directeur de l'information rappelle que, sous sa gouverne, Radio-Canada a pris le virage numérique, a su attirer l'attention des jeunes et a augmenté ses auditoires.

«On ne s'ennuie pas. Les défis sont nombreux. J'étais quand même entouré d'une équipe plus que solide qui permettait de traverser les quelques tempêtes qu'on a vécues», dit-il lorsqu'on lui demande si le fait de piloter le navire dans une période de transition vers les plateformes numériques a été éreintant.

Rejoindre les jeunes

Nommé directeur de l'information en avril 2012, M. Cormier se souvient de cette journée où, en allant reconduire son fils, il a vu une jeune femme sur une planche à roulettes passer devant sa voiture. «Dominique, demande-t-il à son fils, comment intéresser cette femme à Radio-Canada? Il m'a dit: "Arrête de vouloir l'intéresser et donne-lui un job."»

C'est ainsi que Rad est née il y a 18 mois. « On a embauché six jeunes, on leur a donné un local et un mandat de six mois pour réinventer le journalisme. On a réussi à créer une communauté sur les réseaux sociaux avec du contenu fait par des jeunes, avec leurs valeurs, leur regard, etc. » 

«Ces contenus touchent des centaines de milliers de jeunes qui, autrement, ne sont pas chez nous. Ça me donne beaucoup d'espoir dans l'avenir.»

Et maintenant, ajoute-t-il, le défi sera de s'assurer que ce public de demain s'intéresse aux grandes marques plus établies de la maison, que ce soit le Téléjournal ou des émissions comme Découverte ou Enquête.

Pour ce faire, le directeur de l'information, qui quittera son poste le 31 juillet, est conscient que le terrain à prendre est celui de la mobilité (les téléphones intelligents). «C'est là où il y a les plus fortes augmentations [d'écoute], dit-il. Sans révéler toute la stratégie de Radio-Canada, la question de l'accélération de la transition numérique de l'information est une des grandes priorités de l'entreprise.»

Fortes augmentations

Outre l'ouverture aux milléniaux avec Rad, Michel Cormier se félicite de quelques autres initiatives.

«Mes bons coups? C'est d'avoir maintenu la crédibilité du service de l'information, tout comme la présence de nos correspondants à l'étranger, dit-il. C'est aussi d'avoir maintenu les valeurs de service public que nous avons dans une époque où, financièrement, nous avons eu des défis, mais aussi à un moment où toutes les valeurs fondamentales du journalisme étaient remises en question un peu partout.»

Plus que tout, il est heureux de constater que les cotes d'écoute du Téléjournal, tant à 18 h qu'à 22 h, sont en nette progression depuis quelques mois. «Nous connaissons des records d'écoute alors que nous sommes dans un marché où il y a une érosion [des spectateurs]», dit-il. 

«On a décidé d'en faire des émissions d'information plutôt que des bulletins de nouvelles avec une présence accrue sur le terrain. Cela donne des résultats très forts. Nous avons fait des bonds appréciables, et les gens restent à l'écoute plus longtemps.»

Il ajoute que les chiffres sont aussi très bons en région parce que la presse régionale est en crise et que Radio-Canada a pu assurer une présence accrue en développant son volet numérique.

Il se garde cependant de donner des chiffres précis pour des raisons de concurrence. «Ce sont des rapports internes», ajoute le directeur des communications, Marc Pichette.

Bientôt retraité de Radio-Canada, Michel Cormier n'entend pas s'arrêter pour autant. Se décrivant comme un pigiste en devenir, il veut écrire des livres et continuer à enseigner le journalisme. Dans la foulée de l'annonce de sa retraite, Radio-Canada a confié au cabinet Boyden et à un comité interne le mandat de lui trouver un successeur.