Hugh Hefner était un personnage polarisant, perçu comme un moteur de la libération des moeurs par certains et comme un misogyne consommateur de femmes par d'autres.

Pour plusieurs Québécoises qui ont posé pour Playboy ou qui ont eu l'occasion de rencontrer le fondateur du magazine, Hugh Hefner était un gentleman, qui a mené une vie dont rêvent plusieurs hommes avant de s'éteindre, mercredi soir, à l'âge de 91 ans.

Anne-Krystel Goyer, qui a posé pour le magazine en 2009, estime que Hugh Hefner avait compris comment séduire les femmes, et que c'est ce qui explique pourquoi celles-ci n'ont jamais cessé de l'entourer.

«Pour se faire aimer d'autant de femmes, il faut que tu sois gentleman, élégant, avec de la classe, parce que les femmes aiment ça les hommes qui ont beaucoup de classe et qui savent se comporter en public envers une femme, qui la traitent bien. Je pense qu'un homme doit avoir ça pour conquérir le coeur d'une femme, et lui l'avait très bien, donc il pouvait conquérir le coeur de plusieurs femmes en même temps», confie-t-elle en entrevue avec La Presse canadienne.

La Montréalaise, qui possède aujourd'hui sa propre compagnie de parfums, a eu l'occasion de rencontrer l'homme d'affaires au pyjama de soie à deux occasions, au Manoir Playboy. Elle n'a pu lui parler que quelques minutes, mais elle se souvient malgré tout de lui comme d'un homme «très gentil».

La productrice et femme d'affaires Anne-Marie Losique a elle aussi pu croiser le fondateur de Playboy alors qu'elle couvrait des tapis rouges hollywoodiens pour l'émission Box Office, qui était consacrée au cinéma.

Pour elle, Hugh Hefner fait partie des «monstres sacrés», comme le démontrait l'accueil qui lui était réservé à son arrivée sur ces tapis rouges.

«Sur un tapis rouge à Los Angeles, il y en a des stars, mais c'est vrai que chaque fois qu'il arrivait il y avait toujours une espèce d'aura, de respect, d'admiration malgré tout, on le sentait toujours. Il y avait toujours une espèce de temps d'arrêt pour lui.»

De son côté, Claudie Auclair, qui a fait la couverture du magazine en 2011, rêvait depuis l'âge de 16 ans de poser pour le magazine, qu'elle voyait comme une publication «mythique».

Elle garde un bon souvenir de sa séance de photos pour le magazine, bien qu'elle n'ait pas eu l'occasion de rencontrer Hugh Hefner lui-même. Elle considère l'homme comme un «pionnier», qui a fondé quelque chose d'important.

Mme Auclair ne s'est par ailleurs jamais sentie choquée par l'image de l'homme d'affaires, toujours vêtu d'un pyjama de soie et entouré de femmes beaucoup plus jeunes que lui.

«Ça fait partie du personnage. Playboy c'est Playboy, Hugh Hefner c'est Hugh Hefner. (...) Ça ne me dérange pas. J'ai vu des affaires bien pires que ça dans ma vie et tant que c'est fait dans le respect...», énonce l'ex-mannequin de 30 ans, qui travaille aujourd'hui dans le domaine de l'esthétique.

Misogynie ou émancipation?

Pour Anne-Marie Losique, il est clair que Hugh Hefner en a fait beaucoup pour la liberté d'expression et l'émancipation des femmes.

«J'ai beaucoup d'admiration pour ce qu'il a fait pour la société, surtout quand on se remet en contexte. Dans les années 1950-1960, on sortait du maccarthysme, c'était une société très puritaine, donc il a fait beaucoup pour l'évolution des moeurs, et je crois qu'on lui doit vraiment ça. J'ai beaucoup de respect», a-t-elle tranché.

Le personnage divise les opinions, tout de même, puisque s'il a en effet contribué à libérer les moeurs et à faire avancer les droits civiques, il a également participé à l'objectivation des femmes. Des femmes, presque toujours très blondes et très jeunes, qu'il consommait comme des produits jetables puisqu'il s'est déjà vanté d'avoir eu des relations sexuelles avec plus d'un millier d'entre elles.

«Malgré tout ce qu'on a pu lire de femmes qui se sont épanouies en posant pour Playboy, je veux bien, mais de façon globale non, je ne dirais pas qu'il a libéré les femmes. Il a participé à formater le corps des femmes», souligne Martine Delvaux, professeure à l'UQAM et écrivaine, qui s'est intéressée aux filles des Playboy Clubs dans son essai Les filles en série.

Mme Delvaux ne remet pas en question le fait que Hugh Hefner ait été un homme cultivé et qu'il ait fait reluire la plume de grands écrivains dans son magazine. Elle ne porte pas de jugement, non plus, sur ces femmes qui ont souhaité poser pour Playboy. Elle espère toutefois que Hugh Hefner ne sera pas porté aux nues maintenant qu'il est décédé et qu'on conservera de lui une vision nuancée, celle d'un homme qui a fait avancer certaines choses, mais qui demeure malgré tout, selon elle, un misogyne.

«Ce que je crains c'est que l'héritage Hefner, on va en faire tout d'un coup le grand sauveur des moeurs libres en Amérique du Nord», regrette-t-elle.

«Hugh Hefner, c'est quelqu'un de compliqué. C'est un personnage compliqué et je pense qu'il est à l'image de notre culture. On ne sait pas toujours sur quel pied danser, par exemple, par rapport au féminisme, par rapport à la place des femmes, par rapport au travail du sexe. Il y a plein d'enjeux qui sont compliqués, et lui, il est un peu l'incarnation de ça.»