Si vous tombez sur Julie Snyder ces jours-ci, il y a fort à parier qu'elle vous invitera à venir aux îles de la Madeleine. Cet archipel est devenu l'objet de sa passion. Elle y retourne cet été pour la beauté de ses paysages, mais aussi pour y présenter une émission de radio et y célébrer ses 50 ans. Beau programme en perspective!

Il y avait très longtemps que je voulais rencontrer Julie Snyder. Je voulais me faire une idée sur cette femme sur laquelle on raconte tellement de choses. Pendant huit jours, avant son départ pour les îles de la Madeleine, d'où elle présentera cet été une émission de radio, le projet d'une rencontre a été envisagé, programmé, repoussé et reprogrammé.

«Je sais que j'ai l'air d'un homard que tu tentes de mettre dans une cage et qui ne veut pas rentrer», m'a-t-elle dit au téléphone. Prise dans un tourbillon (elle a dû préparer ses enfants pour le camp de vacances et s'occuper d'envoyer le chien et le perroquet Flicka aux Îles), Julie Snyder m'a finalement donné rendez-vous à l'aéroport de Saint-Hubert, d'où elle s'envolait.

J'ai finalement proposé de monter à bord de la voiture qui l'y amenait. «Bonne idée!», m'a-t-elle dit. Habillée d'un imperméable rouge vif et d'espadrilles blanches, elle est venue me cueillir à La Presse. Rapidement, le ton est passé à la confidence, à la franchise, à la réflexion.

Elle est comme ça, Julie Snyder: difficile à saisir au vol, mais entière et disponible une fois que tu l'as devant toi.

C'est dans une minuscule voiture, les genoux dans le front, que j'ai soumis ma batterie de questions à celle qui animera à compter de demain 5 à 7 aux Îles... avec Julie, une émission de radio qu'elle présentera tous les dimanches sur les ondes d'ICI Première depuis les îles de la Madeleine, un endroit dont elle parle toujours avec passion.

«J'ai cherché pendant cinq ans une maison d'où je pouvais voir les couchers de soleil, raconte-t-elle. J'ai fait cela avec Robert Bouffard, un gars qui était une sorte de conteur. On a repéré une maison, mais malheureusement elle n'était pas à vendre. Robert a été frappé par un cancer fulgurant et, quelques jours avant de mourir, il m'a téléphoné pour me dire que je ne devais pas passer à côté de cette maison.»

Julie Snyder se rend maintenant régulièrement dans cette demeure où «n'importe qui peut venir cueillir des fraises». «J'espère qu'il va m'en rester un peu, dit-elle. J'aimerais ça faire au moins une tarte avec ma fille.»

Julie Snyder aime le contact avec les gens. Elle ne peut pas s'empêcher d'établir un lien avec ceux qu'elle croise. «Je connais beaucoup de gens aux Îles. Je pense qu'il y a un seul magasin où je ne suis pas allée.»

Ces gens l'inspireront sans doute pour faire cette émission qui sera diffusée pendant huit semaines. «Quand tu es madelinot, tu deviens un personnage, t'as pas le choix. Un jeune des Îles, quand arrive le vendredi soir, il ne peut pas prendre sa voiture et monter en ville pour sortir. Ça forge une personnalité.»

Elle continue de me parler avec la fougue qu'on lui connaît des blanchons, du bois de mer qu'un artisan a utilisé pour lui créer une bibliothèque et des têtes de lit, de la boutique «culte» Les artisans du sable. Quand Julie Snyder aime quelque chose, tout le monde autour d'elle doit aimer cette chose.

Elle me fait une autre démonstration de cela une fois que nous sommes rendus à l'aéroport de Saint-Hubert avec Pascan, la compagnie aérienne qu'elle utilise pour se rendre aux Îles. Elle m'en a parlé en utilisant des superlatifs comme si cette compagnie était KLM, Lufthansa et Singapour Airlines réunies. «Michel Drucker est venu me visiter. Il a pris un petit avion de Pascan. Il m'a dit: "C'est formidable, c'est comme un jet privé, mais avec des gens pas chiants."»

Arrivée à l'aéroport de Saint-Hubert, elle s'est empressée d'aller embrasser l'un des propriétaires de la compagnie. Puis, elle a aperçu deux femmes qui attendaient le départ de l'avion. Elle s'est approchée d'elles et a engagé la conversation. «Vous habitez sur la rue principale, de l'autre côté du golf?» Les trois Madeliniennes qui ne se connaissaient pas deux minutes plus tôt papotaient comme de grandes copines.

Premiers pas à la radio

Julie Snyder s'est envolée mercredi, seule. Les deux collaborateurs qui l'accompagneront dans cette aventure radiophonique, Olivier Niquet et Valérie Blais, devaient arriver plus tard, de même que Stéphane Leclair, qui assurera la réalisation et qui présentera des chroniques. L'émission sera diffusée ou préenregistrée devant public aux Pas perdus, un bistro très connu des Îles.

La semaine dernière, j'ai soumis une série de questions aux responsables des communications de Radio-Canada afin de savoir combien allait coûter cette émission pour laquelle on transporte une équipe complète de Montréal. Ces gens seront logés et transportés aux frais de Radio-Canada. Ils recevront également une indemnité quotidienne. On m'a assuré qu'un maximum de quatre invités provenant de l'extérieur des Îles seraient transportés aux frais de la société d'État.

«C'est très vrai, m'a dit Julie Snyder. Nous allons profiter du passage de plusieurs artistes aux Pas perdus pour les avoir à notre émission.» Ainsi, vous pourrez entendre au cours de l'été Kevin Parent, Alex Nevsky, Vincent Vallières, Robert Charlebois, Patrice Michaud, Marie Mai et Paul Piché. «Paul va coucher chez moi avec sa femme et ses enfants», ajoute-elle.

L'idée de cette émission est venue d'une simple rencontre avec Sylvie Julien, directrice de contenu d'ICI Première. «Quand je l'ai rencontrée, je n'avais pas l'intention de faire de la radio. Je me suis dit que j'irais prendre un café avec elle et juste parler de contenu. La discussion a glissé sur les Îles, et elle m'a dit qu'elle souhaitait avoir des émissions à l'extérieur de Montréal. ICI Première est une radio de risque, et j'aime beaucoup ça.»

Julie Snyder a donc plongé dans cette aventure avec son énergie légendaire. Elle avoue toutefois être rongée par une certaine inquiétude. «Est-ce que je vais être capable? Je ne sais pas. Mais en même temps, c'est très excitant de faire quelque chose qu'on n'a jamais fait à l'âge que j'ai.»

Confidences dans le phare

Comment la spécialiste de l'image forte, celle qui n'hésite pas à se jeter dans le fleuve ou à se mettre un sac de papier brun pour interviewer Catherine Deneuve (elle a tenu à recréer pour ce reportage la photo que La Presse avait faite d'elle en 1992 dans une fontaine), va-t-elle aborder la radio, un média totalement nouveau pour elle?

«J'y pense sans arrêt, dit-elle. C'est pour cela qu'on a créé des moments spéciaux qui vont venir ponctuer l'émission. On a imaginé le segment "Le phare intérieur" où on installe un invité dans un petit phare que j'ai sauvé de la destruction. C'est le plus petit phare du Québec.» 

«Une de mes amies madeliniennes m'a dit: "Ce phare est comme toi. Il est petit, mais il peut résister aux grands vents."»

L'invité ira dans ce phare muni de caméras web et se confiera au public. «Ce segment sera introspectif, explique Julie Snyder. J'ai fait de la psychanalyse. Paul Valéry disait que pour faire cela, il faut être armé jusqu'aux dents. C'est très vrai.»

Chaque dimanche, Julie s'entretiendra avec quelqu'un qui a inspiré une chanson. Dans «Cette chanson a été écrite pour moi», on entendra les fils de Kevin Parent et de Paul Piché, la fille de Renaud, ainsi que Janette Bertrand, celle qui a donné son nom à la chanson Madame Bertrand de Robert Charlebois et Mouffe.

Il y aura aussi le segment «L'amuse-gueule». «Tous les politiciens qui vont venir à l'émission seront invités à conclure l'émission avec un verre de bagosse. Ce sera le cas avec le premier ministre Philippe Couillard qu'on entendra demain lors de la première émission.»

Refaire les ponts

Ce n'est un secret pour personne: la vie de Julie Snyder a considérablement changé au cours des derniers mois. La fin de l'émission Le banquier a marqué pour elle la fin d'une longue histoire avec TVA dont elle était l'une des têtes d'affiche depuis 1997.

Au cours de la dernière année, on a vu Julie Snyder créer ou recréer des ponts avec des médias qu'elle fréquentait moins depuis 20 ans. Qui aurait dit, l'an dernier, qu'elle produirait une émission pour V (Occupation double à l'automne) ou qu'elle animerait une émission de radio à Radio-Canada?

Qui aurait dit aussi que Julie Snyder allait inviter le premier ministre Philippe Couillard à sa première émission de radio? On se souviendra que le courant n'avait pas passé entre ces deux-là lors du passage de Julie Snyder à la commission parlementaire sur la fécondation in vitro, en 2008. Voyant Philippe Couillard, alors ministre de la Santé, sourire à ses propos, la bouillante animatrice avait dit: «Je vois le ministre rire. Je suis une fille qui aime rire, mais je trouve que son humour s'étale longtemps.»

Julie Snyder a donc profité de sa rencontre avec Philippe Couillard pour lui passer un message comme elle seule peut le faire. «Je lui ai dit de ne pas aller brainstormer avec Marc-Yvan Côté, mais plutôt de brainstormer avec Gaétan Barrette afin de trouver une solution au problème des couples infertiles. J'ai dû prendre une petite gorgée de bagosse pour formuler cette question, me dit-elle en rigolant. Cela dit, son écoute était bonne.»

Au diable les bilans

Julie Snyder célébrera ses 50 ans le 6 août lors d'une émission en direct. Pour l'occasion, elle a invité son inséparable ami et collaborateur Stéphane Laporte, de même que la chanteuse Marie Mai. Est-ce que cet anniversaire l'oblige à faire l'incontournable bilan de la cinquantaine ?

«Je suis dans un état perpétuel de bilan. Dans ce métier, tu es critiqué et analysé constamment. C'est difficile pour moi d'écouter l'émission-pilote que nous avons faite. Ça me fait mal. Il faut donc avoir un ego fort et un sens aigu de l'autocritique pour faire cela.»

Julie Snyder croit cependant qu'il faut écouter les critiques (elle lit tous les commentaires la concernant sur les réseaux sociaux) et retenir des leçons de tout cela. «Des fois, ma fille me dit qu'elle a eu deux fautes dans sa dictée. Je lui dis que l'avantage de faire des fautes, c'est qu'on s'en souvient ensuite et qu'on ne les refait plus.»

Celle qui est dans le domaine de la télé depuis 26 ans reconnaît qu'elle ne «sait faire que cela». Cela lui donne parfois le vertige. «Quand j'ai commencé dans ce métier, les gens me demandaient si j'étais de la famille des saucisses Schneiders. Si je faisais de la saucisse aujourd'hui, je produirais une matière première. Or, mon métier fait en sorte que je suis cette matière première. Moi, si les gens arrêtent de m'aimer, je n'ai plus rien. C'est pour cela que j'ai créé ma maison de production.»

Elle reconnaît que le bilan de la cinquantaine est particulièrement difficile pour une femme, surtout quand celle-ci doit repartir à zéro. «Dans le domaine de la télé, si tu peux me nommer deux ou trois filles qui font encore carrière comme animatrices après 50 ans, bonne chance. Je fais un métier où tu peux facilement devenir un yogourt passé date. Alors que si tu es comptable, électricien, avocat et que tu as 50 ans, les gens vont dire que ton expérience va te servir.»

Bref, ne comptez pas trop sur elle pour ressasser les choses du passé la veille de son anniversaire. «Je n'ai qu'à penser à mon rôle de mère et j'oublie tout le reste. C'est ce que j'ai accompli de plus grand, c'est clair. La maternité est un rempart contre la célébrité. Ça te garde les pieds sur terre.»

Une préposée de Pascan est arrivée sur les entrefaites pour dire à Julie Snyder que l'avion s'apprêtait à décoller. Cette dernière a pris ses affaires, a embrassé son assistante et son bras droit, Louis Noël, et, juste avant de s'engager sur la piste, m'a lancé en riant aux éclats: «J'ai oublié de te dire. J'ai super peur en avion!»

J'ai alors compris quel était le secret de Julie Snyder: il faut vivre avec ses peurs, mais surtout, il faut en rire. Elle s'est engagée sur la piste avec son imperméable rouge vif et ses espadrilles blanches et s'est dirigée vers cet avion, vers ce nid douillet qu'elle s'est créé dans les Îles, vers un été qui allait peut-être tout changer dans sa vie.

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5 à 7 aux Îles... avec Julie, les dimanches, à 17 h, sur ICI Radio-Canada Première et au bistro Les Pas perdus.

Photo Pierre McCann, archives La Presse

Pour ce reportage, Julie Snyder a tenu à recréer une photo que La Presse avait faite d'elle en 1992 dans une fontaine.