Jean-Sébastien Girard vient de vivre la plus grosse année de sa carrière. Celle-ci lui a fait vivre mille et une émotions. Rencontre avec un gars qui sait faire le clown quand il le faut. Et être sage quand il le faut aussi.

Celui qui est en face de moi, sur une terrasse du Vieux-Montréal, n'a rien à voir avec le gars qui sévit tous les week-ends au bar Chez Roger derrière l'un des micros de La soirée est (encore) jeune. Visiblement fatigué mais aussi très heureux, il m'a parlé des moments palpitants qu'il a vécus, de même que des coups qu'il a encaissés.

«Ç'a été nettement la plus grosse année de ma vie professionnelle, dit-il. Je me souviens du jour de Noël. On répétait le spectacle Prédictions 2017 et je m'apprêtais à plonger dans Votre beau programme. J'étais tellement heureux. Tout cela était de l'ordre de l'ivresse.»

Celui qui aime évoquer les vétérans du show-business qui racontent avoir joué certains soirs au théâtre pour ensuite se produire dans un cabaret jusqu'au petit matin a vécu sensiblement la même chose.

«Le samedi, on faisait La soirée est (encore) jeune et, immédiatement après, on se produisait au St-Denis. Il m'est arrivé à deux reprises de quitter le spectacle avant la fin pour me rendre en studio faire Votre beau programme. Un chauffeur m'attendait dans la ruelle pour m'amener. Les maquilleurs et les habilleurs se garrochaient sur moi et j'arrivais sur le plateau à la seconde près. Je vivais le rêve d'un petit gars.»

Au cours de cette année bien remplie, Jean-Sébastien Girard s'est offert une toute petite semaine de vacances dans le Sud. Pour le reste, les pages de son agenda électronique étaient remplies sept jours sur sept.

«Je suis encore à me dire que c'est incroyable, tout ce qui m'arrive. Je ne peux pas laisser passer les choses. Quand je serai has been, j'aurai le temps de me reposer.»

L'aventure de Votre beau programme

La saison qui s'achève a également été celle où Jean-Sébastien Girard a goûté au jugement impitoyable du public, celle où il a compris qu'on ne pouvait plaire à tout le monde. L'aventure de Votre beau programme a été pour lui aussi formatrice que pénible.

«Quand on m'a offert ça, je me disais que j'allais faire une émission avec la personne la plus hot de la télévision québécoise et que ça allait probablement être un succès. J'avais du mal à dormir tellement ça m'excitait. Tu te dis que ça peut devenir Les enfants de la télé, que ça va peut-être durer dix ans, que ça va peut-être t'amener à faire des Bye Bye. Mais bon, le deuil de tout cela est venu rapidement car à mi-chemin, sans que ça soit jamais dit, on a compris que ça allait être une aventure de 12 semaines.»

J'ai toujours pensé que le problème avec cette émission a été son rendez-vous raté avec son véritable public. Votre beau programme visait davantage l'auditoire de SNL Québec et Like-moi! que celui des Enfants de la télé. Malheureusement, la bonne équation ne s'est pas faite.

«Louis et Véro ont fait preuve d'audace en venant me chercher. J'étais là pour rire un peu de Véro. Et elle voulait ça. Mais son public n'aimait pas ça. Véro a été la première à s'en rendre compte.»

Plusieurs téléspectateurs n'ont pas compris l'humour de Jean-Sébastien Girard. «À un moment donné, j'ai dit: "Revenez-nous après la pause, on vous présente la météo avec Colette." C'est pas croyable le nombre de courriels qu'on a reçus où l'on disait que j'étais mêlé, car Colette ne travaille pas à Radio-Canada. Je me suis demandé si je devais m'adapter à ce public. Finalement, j'ai accepté de faire des jokes de scripteur et de faire le moins de vagues possible jusqu'à la fin.»

Certains commentaires publiés sur les réseaux sociaux étaient très durs à son égard. Habitué à être chouchouté par les inconditionnels de La soirée, Jean-Sébastien Girard l'a très mal vécu. «C'était violent. On disait à Véro qu'elle n'avait pas besoin de moi, on se demandait d'où je sortais, on disait que j'étais laid... Et tout cela était soutenu.»

Avec le recul, Jean-Sébastien Girard comprend un peu mieux ce qui s'est passé. «Je réalise que ces commentaires provenaient à 90 % de ce qu'on appelle les "madames". C'était rendu que lorsque j'allais à l'épicerie, j'avais peur que des téléspectatrices disent à leur mari: "Regarde, c'est celui qu'on haït à l'émission de Véro."»

Il avoue qu'une forme de culpabilité est apparue. «Je n'étais pas le seul responsable de cet insuccès, mais je me suis demandé si je nuisais à l'émission. Bref, ç'a été tough

De la radio à la scène

Il est tout de même surprenant que, dans cette tourmente, Jean-Sébastien Girard ait continué à performer comme il le fait tous les week-ends à La soirée. «Justement, après trois blagues à Votre beau programme qui étaient bashées sur le web, j'avais besoin d'arriver à la radio avec mes niaiseries habituelles qui font rire notre public.»

Durant cette période tumultueuse, ses collègues de La soirée ont continué à utiliser Jean-Sébastien Girard comme cible. Le concerné n'y voit pas là un manque de solidarité. Plutôt une forme d'exorcisme sain.

«Jean-Philippe [Wauthier] est celui avec qui j'ai le plus de contacts en dehors du travail. On ne sort pas ensemble, mais on passe nos journées à se texter. On est beaucoup dans la confidence, on exprime nos craintes. Il a été très élégant et très à l'écoute pendant toute cette période. Il a eu une grande sensibilité à tout ce qui s'est passé», ajoute-t-il, visiblement ému.

L'année des quatre comparses de La soirée a aussi été marquée par la création d'un spectacle offert huit fois au Théâtre St-Denis. L'expérience de Prédictions 2017 ne s'est pas faite sans un certain lot de stress et d'angoisse.

«À La soirée, on a une bonne idée de ce qui va marcher ou pas. Là, non. En fait, l'échec de Québec [le groupe a présenté un numéro copieusement hué par le public en juin 2016 dans le cadre de ComediHa!] a été utile pour nous. Ça nous a procuré une certaine humilité.»

Pour ceux qui se demandent s'il y aura un Prédictions 2018, sachez que rien n'est signé, mais que tout indique que oui. «Dès la fin des représentations, l'équipe de Juste pour rire nous a signifié qu'elle avait l'intention de récidiver. On est en négociation depuis quelques jours et tout se passe bien.»

Les victimes de LSEEJ

Les membres de la LSEEJ sont réputés pour être corrosifs avec certaines personnes. Comment cela se passe-t-il quand il y a un contact avec elles?

«Je les croise et c'est toujours courtois, dit Jean-Sébastien Girard. Marilou est la seule avec laquelle j'ai eu des problèmes. J'ai fait une entrevue avec elle et ne l'a pas trouvée drôle. Elle m'en a voulu. Elle a téléphoné au réalisateur pour faire couper des trucs.»

Il arrive fréquemment que des «victimes» soient invitées à l'émission. Leur ouverture met souvent un terme aux blagues cinglantes des membres du groupe. Nicola Ciccone et Boom Desjardins sont de bons exemples.

«Ça nous casse, en quelque sorte, dit Jean-Sébastien Girard. On devient leurs amis après. Je me demande d'ailleurs si, avec le temps, on ne s'est pas un peu adouci envers certaines personnes. Au début, je me foutais de tout. Je n'avais pas de carrière. Je lançais donc des minutions partout avec une grande naïveté. C'est sûr qu'on fait un peu plus attention, encore que...»

Ce «petit papa qui est au ciel»

Jean-Sébastien Girard me fait beaucoup rire. Son humour à la fois acide et brillant vaut plusieurs doses de Prozac. Mais lui, s'en servirait-il pour faire déguerpir certains démons? Ses nombreuses blagues sur son papa qui est «quelque part dans le ciel» cachent-elles une fracture?

«La véritable histoire est que mes parents se sont séparés lorsque j'étais jeune. J'ai continué à voir mon père deux ou trois fois par année. Il n'y avait aucune proximité entre nous. C'était un pompier, un gars de sports. J'arrivais chez lui avec l'idée de faire des émissions de recettes dans sa cuisine. Il est mort au début de ma trentaine.»

En revanche, Jean-Sébastien Girard ne se gêne pas pour clamer tout son amour pour sa mère. «Je ne suis pas sûr que je ferais ce type de blague si ma mère était morte. Je peux être trash à l'égard de mon père, car il n'y a pas d'attaches émotives. Avec ma mère, c'est complètement autre chose. L'une des choses qui me rendent le plus heureux, c'est qu'elle puisse voir ce qui m'arrive en ce moment.»

En attendant de s'offrir quelques semaines de vacances qui lui permettront de savourer cette année et de vivre sans doute la plus belle saison de sa vie, Jean-Sébastien Girard continue de collaborer à l'émission Les échangistes en compagnie de Pénélope McQuade. Il reconnaît que cette deuxième saison se passe mieux que la précédente. «Cette année, les commentaires sont positifs. Il y a même des "madames" qui disent qu'elles m'aiment.»

Cet automne, en plus de reprendre La soirée, il collaborera à Esprit critique en compagnie de Marc Cassivi et Rebecca Makonnen. «Je vais faire une entrevue par émission et ça m'excite beaucoup. Ça me permet d'être drôle, mais d'avoir aussi des réflexions.»

En effet, on oublie qu'au-delà du clown qu'il est souvent, il y a le gars capable de poser un regard sérieux sur le monde qui l'entoure. Il y a aussi le gars ultrasensible qui ne demande qu'à être aimé du public. Même des «madames».

Les gars de La soirée vus par Jean-Sébastien Girard

Le plus compatissant?

«Jean-Philippe! S'il y a quelque chose qui ne va pas, il réagit tout de suite.»

Celui qui fait le mieux la cuisine?

«Fred! Mais c'est très mâle, c'est digne des Flintstones! Cela dit, ça fait mal tellement c'est bon, ce qu'il fait.»

Celui qui est le plus beau?

«C'est un cliché de le dire, mais c'est Olivier. J'oublie parfois ça, car je travaille avec lui. Et de temps en temps, je le vois faire un sourire, il y a un arrimage de ses traits et je comprends pourquoi les gens le trouvent si beau.»

Celui qui est le plus paternel?

«Fred! Il a une magnifique relation avec son fils Ludo. J'avoue que ça me rend parfois jaloux. Jean-Philippe parle de ses enfants. Je ne peux pas savoir si Olivier parle de ses enfants, il ne parle pas, point.»

Celui que tu appellerais à 3 h du matin?

«Jean-Philippe! Des trois, c'est celui qui est le plus méchant avec moi en ondes et c'est celui qui l'est le moins dans la vie.»

Photo fournie par ICI Radio-Canada Première

Jean-Philippe Wauthier, Fred Savard, Jean-Sébastien Girard et Olivier Niquet de La soirée est encore jeune