Lancée en fanfare en 2013, la chaîne Al-Jazeera America, pendant américain de la grande chaîne qatarie d'information continue, va mettre la clef sous la porte fin avril, faute d'avoir su trouver son public.

«Notre modèle économique n'est simplement plus viable à la lumière des défis économiques que connaît le marché américain des médias», a résumé le directeur général du groupe, Mostefa Souag, dans une note interne consultée par l'AFP.

Pour le directeur général d'Al-Jazeera America, Al Anstey, la chaîne avait bien «trouvé une audience fidèle à travers les États-Unis et était de plus en plus reconnue comme une voix nouvelle de l'information télévisée». Mais le «paysage économique du secteur des médias» a poussé la direction a mettre fin à l'expérience, a-t-il expliqué dans un communiqué.

Pour rester présent sur le marché américain, Al-Jazeera a annoncé que parallèlement à la fermeture de la chaîne américaine, le 30 avril, il entendait renforcer sa présence en ligne et sur l'ensemble des supports mobiles, qui seront alimentés par le contenu produit par les autres antennes du groupe.

Al-Jazeera America s'arrête brutalement moins de trois ans après son lancement, marqué par l'ambition des dirigeants du groupe, qui appartient à la famille royale du Qatar.

Al-Jazeera n'avait pas hésité à débourser environ 500 millions de dollars pour racheter, fin 2012, la petite chaîne câblée Current TV, sur laquelle elle a bâti son projet.

La chaîne avait également débauché plusieurs personnalités du journalisme télévisé, notamment Soledad O'Brien et Ali Velshi, deux figures du concurrent CNN.

Une audience jamais trouvée

Au total, 850 personnes avaient été embauchées pour travailler dans 12 bureaux à travers les États-Unis (sur un total de 70 dans le monde).

Pour le lancement, en août 2013, le groupe s'était offert plusieurs pages de publicité dans les plus grands quotidiens du pays et avait fait une campagne de promotion intense sur les réseaux sociaux.

Al-Jazeera America promettait de bousculer l'information continue à la télévision, chasse gardée de Fox News, le leader incontesté, de CNN et de MSNBC.

Elle voulait notamment accorder une place importante aux formats longs pour se démarquer de ses concurrents.

Mais la chaîne n'est jamais parvenue à trouver son public malgré quelques coups.

Fin décembre, elle avait notamment diffusé un reportage sur le dopage, dans lequel un pharmacien affirmait que l'épouse du footballeur américain Peyton Manning, cinq fois sacré meilleur joueur de la NFL, s'était fait livrer de l'hormone de croissance.

Contacté par l'AFP au sujet des audiences de la chaîne, le cabinet Nielsen Ratings n'a pas donné suite. Selon plusieurs médias américains, notamment le site Variety, Al-Jazeera America n'aurait jamais réuni plus de quelques dizaines de milliers de téléspectateurs.

Elle avait pourtant conclu, fin 2014, un accord avec les câblo-opérateurs Time Warner Cable et Bright House Networks, qui la rendait accessible à 55 millions de foyers.

Ces difficultés à faire effectivement bouger les lignes de l'information continue aux États-Unis se seraient rapidement ressenties sur les comptes de la chaîne.

Selon le centre indépendant Pew Research Center, Al-Jazeera America aurait réalisé en 2014 un chiffre d'affaires inférieur à 100 millions de dollars, de très loin le plus faible de toutes les chaînes d'information nationale, y compris Fox Business News ou CNBC, spécialisées dans l'information financière.

Après l'annonce officielle de la fermeture de la chaîne, plusieurs membres ou anciens d'Al-Jazeera America ont posté des messages sur Twitter pour saluer le travail effectué.

«J'aurai toujours un bon souvenir de mon passage (au sein de la chaîne). Un groupe de gens formidable. Ils m'ont fait aimer ce que je fais. Vraiment triste de l'annonce d'aujourd'hui», a tweeté Julio Ricardo Varela, ancien de la chaîne.

«Même si c'est fini, travailler à Al-Jazeera America était l'aventure la plus dingue, la plus intense dans les médias. Je ne regrette rien», a posté Paul Harris, producteur exécutif au sein de la chaîne.