Candidat malheureux à la direction du Monde en mai, Jérôme Fenoglio a été élu mardi lors de son deuxième essai avec 68,4% de votes de la rédaction, franchissant facilement la barre des 60% exigés et évitant une crise au quotidien.

Le journaliste, âgé de 49 ans et qui a fait toute sa carrière au Monde, est nommé pour un mandat de six ans.

L'actuel n°2 du journal est le sixième directeur du Monde depuis 2010, date du rachat du journal par le trio «BNP», surnom donné au groupe des trois actionnaires, Pierre Bergé, Xavier Niel et Matthieu Pigasse.

Il succède à la dernière directrice élue, Natalie Nougayrède, qui avait obtenu 79,4% des voix en 2013. Ses prédécesseurs, Erik Izraelewicz, brutalement décédé fin 2012, et Éric Fottorino, élu en 2008, avaient recueilli respectivement 74,25% et 62,8%.

Mais depuis, le poste a perdu de sa superbe: son titulaire, qui auparavant dirigeait seul le journal, partage désormais le pouvoir avec le président du directoire, Louis Dreyfus, qui est en charge de la gestion et des finances du quotidien et représente les actionnaires. Il est en fonction depuis décembre 2010.

«Il y avait eu une déception la dernière fois et cette fois-ci, il y a un vote clair de la part de la rédaction. Je suis content parce qu'on va pouvoir sortir d'une période compliquée et repenser à l'avenir, repenser à transformer le journal», a-t-il déclaré à l'AFP une fois élu.

«C'est la raison qui l'emporte (...), il était important que Le Monde vote avant l'été, et de ne pas ajouter de la crise à la crise», a dit à l'AFP le président de la Société des rédacteurs du Monde, Alain Beuve-Méry.

Le 13 mai, la première candidature de Jérôme Fenoglio, sollicitée par les actionnaires alors qu'il n'était pas candidat, avait été rejetée par la rédaction à la surprise générale. Il n'avait recueilli que 55% des voix.

Une partie de la rédaction avait fustigé un processus de nomination «tronqué», ce qui s'était traduit par ce vote insuffisant. De plus, le projet de Jérôme Fenoglio avait été jugé par certains trop numérique et son équipe trop peu ouverte.

Le rejet de sa candidature avait ravivé le malaise sur la gouvernance du journal, après la démission, sous la pression de la rédaction en mai 2014, de Natalie Nougayrède, restée un an seulement en fonction.

«Chapitre long et douloureux»

Le lendemain de l'échec de Jérôme Fenoglio, Gilles van Kote, directeur par intérim, avait annoncé sa démission. Le journal n'avait, depuis, plus de numéro un.

Contrairement à la première fois, où il avait été sollicité par les actionnaires alors qu'il n'était pas candidat, Jérôme Fenoglio a, cette fois-ci, formellement postulé.

Après ce qu'il a qualifié de «déception» et d'«échec personnel», il a beaucoup consulté (plus d'une vingtaine de réunions). «On lui avait reproché de ne pas faire campagne. Il a appris de ses erreurs», commente un journaliste.

«Là où il aurait fallu prendre le temps de la discussion et de l'écoute, je suis allé trop vite», a reconnu Jérôme Fenoglio dans sa lettre de candidature. «J'ai essayé de comprendre ma part de responsabilité», a-t-il expliqué à l'AFP.

«Cela clôt un chapitre un peu long et douloureux. Il était important que le journal ait un directeur. Il a un profil assez varié mais il doit encore prouver qu'il peut entraîner toute la rédaction», a commenté un journaliste à l'issue du vote.

Jérôme Fenoglio prend les commandes d'un journal qui a souffert comme les autres de la crise de la presse, même s'il a résisté l'an dernier avec une diffusion quasi stable (-0,8%), à 273 000 exemplaires en moyenne chaque jour.

L'année 2015 doit également voir Le Monde abandonner le métier d'imprimeur, avec la fermeture de son imprimerie d'Ivry, près de Paris, prévue cet été.

Vers 2017, le futur siège du groupe Le Monde, dans le sud de Paris, doit permettre de réunir les 1400 collaborateurs des différentes publications: Le Monde, l'hebdomadaire culturel Télérama, le magazine L'Obs, les sites d'information Rue89 et Huffington Post, Courrier international et La Vie.