Série parmi les plus chères du monde, Marco Polo, avec ses décors spectaculaires et ses acteurs inconnus, sera disponible vendredi à 8h01 en intégralité dans la cinquantaine de pays où est présent Netflix, le géant américain de la vidéo en ligne, qui mise sur cette superproduction pour rebondir.

Des tournages dans les canaux vénitiens, les plaines du Kazakhstan ou en studios en Malaisie, des dizaines de décors somptueux et des centaines de figurants: pour retracer les aventures du jeune Marco Polo à la cour de Kublai Khan, au XIIIe siècle en Chine, Netflix n'a pas regardé à la dépense.

Si aucun chiffre n'a été donné officiellement par la plateforme américaine, le montant de 90 millions $ pour 10 épisodes avancé par les médias aux États-Unis n'a pas été démenti par Netflix.

À titre de comparaison, le budget de sa série politique House of Cards était évalué à une centaine de millions de dollars pour deux saisons de 13 volets.

Les deux premiers épisodes, visionnés par l'AFP, ont été réalisés par les Norvégiens Joachim Roenning et Espen Sandberg, mis en nomination aux Oscars en 2013 pour le film Kon-Tiki et qui dirigeront le cinquième opus de la saga Pirates des Caraïbes, dont la sortie est prévue en 2017.

«C'est une grosse production, une grande fresque historique qui a pour ambition de toucher un public très large», estime Pierre Langlais, journaliste spécialiste des séries télé à Télérama.

Car à l'heure où Netflix a accéléré son expansion mondiale et peut désormais être regardé dans plus de cinquante pays, «Marco Polo sera un référendum pour savoir si sa stratégie de contenus originaux fonctionne au niveau global», soulignait récemment le New York Times.

Un déploiement à marche forcée qui connait parfois des démarrages poussifs. En France, où Netflix s'est lancé mi-septembre avec fracas, ainsi qu'en Autriche, en Belgique, en Allemagne, au Luxembourg et en Suisse, les objectifs n'auraient pas été atteints, selon les spécialistes du secteur.

«Cheval de Troie»

«Même si Netflix ne communique jamais ses chiffres d'abonnés par pays, le sentiment, quand on échange avec la profession, c'est qu'ils sont allés un peu moins vite que prévu en France», déclare à l'AFP Pascal Lechevallier, fondateur de What's Hot, société spécialisée dans les services consultatifs sur les nouveaux médias.

«Sur la base d'un objectif d'un million d'abonnés au bout d'un an (selon les prévisions du cabinet d'analyse Citi Research, NDLR), on aurait dû être à 300 000 fin décembre. Or, Netflix serait plutôt entre 200 et 250 000 abonnés payants», ajoute-t-il.

Au niveau global, le producteur des séries à succès comme House of Cards et Orange is the New Black a affiché seulement trois millions de nouveaux abonnés au dernier trimestre, dont 2 millions hors Etats-Unis, portant le total de ses souscriptions à 53,1 millions de personnes dans le monde.

Parallèlement à cette progression, plus lente qu'attendue, Netflix doit faire face à de nouveaux rivaux: outre le magasin en ligne Amazon qui a sa propre offre de programme télé en streaming et des productions originales, le géant des médias Time Warner a annoncé mi-octobre le lancement d'un service de streaming pour sa chaîne à péage HBO, créatrice des séries à succès Game of Thrones ou Girls.

Et le cours en Bourse s'en ressent: l'action de Netflix est passée de 457 $, mi-septembre, à 341 $, début décembre.

Avec ses intrigues mêlant pouvoir, sexe et arts martiaux, la nouvelle série Marco Polo, qui reprend les codes des films de kung-fu, pourrait, selon les spécialistes, avoir pour mission de faire connaître Netflix en Asie, comme House of Cards avait fait découvrir la plateforme en Europe.

Après l'Australie et la Nouvelle-Zélande, où le lancement est prévu en mars 2015, Netflix pourrait s'intéresser à l'Europe du Sud et au continent asiatique.

«Je ne sais pas si Marco Polo est un cheval de Troie pour entrer en Asie mais c'est un moyen d'asseoir la réputation de Netflix dans ces pays-là», conclut Pierre Langlais.