Menacée par des compressions en série, Radio-Canada/CBC veut renforcer sa présence locale et la diffusion de contenu canadien qui la distingue des réseaux privés.

La stratégie va continuer à convaincre les Canadiens de la raison d'être de la société d'État, a déclaré jeudi son président et chef de la direction, Hubert Lacroix, qui espère qu'il en ira de même pour les décideurs politiques.

Le pdg du diffuseur public a tenu ces propos après une allocution présentée devant un groupe de gens d'affaires de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain.

Il leur a fait part de sa vision pour la société d'État, dans un discours intitulé «CBC/Radio-Canada: une valeur à défendre».

M. Lacroix a dit voir Radio-Canada comme le «café du coin» ou la «place publique la plus animée du pays».

Ainsi, pas question de réduire la présence dans les communautés où le diffuseur public est actuellement implanté, a-t-il soutenu.

L'entreprise dit vouloir se distinguer des géants privés qui diffusent du contenu américain aux heures de grande écoute. Radio-Canada offrira plutôt la «chance de connaître votre ville, votre communauté et vos voisins».

«Radio-Canada a toujours voulu se différencier du privé. Les modèles d'affaires des réseaux privés ne ressemblent pas au nôtre», a indiqué M. Lacroix en point de presse, précisant que les interventions du diffuseur seront de plus en plus ciblées vers le citoyen pour établir une connexion. «Cela rendra cette distinction encore plus importante».

Les Canadiens comprennent déjà l'importance d'avoir un réseau public, croit-il, dur comme du fer. «Et si ça peut éclairer des personnes sur les objectifs du radiodiffuseur public et faire en sorte qu'on gagne plus de support, ça ne peut être qu'une bonne chose», a-t-il répondu lorsqu'interrogé sur l'impact de la stratégie sur les décideurs à Ottawa, qu'il est important de convaincre puisqu'ils votent le budget de la société d'État. Surtout dans un contexte ou des membres du gouvernement conservateur actuel ne voient pas l'utilité de financer le diffuseur public.

Car l'existence même de la société d'État demeure fragile: son budget d'exploitation ne cesse de fondre et de nouveaux joueurs, dont certains non traditionnels dans le monde des médias - comme Netflix et Vice - lui grugent des parts de marché et de publicités. D'où la nécessité de se tailler un créneau différent.

Radio-Canada étudie aussi de près les jeunes de 18-24 ans, qui veulent «vivre les nouvelles plutôt que de se les faire raconter», note M. Lacroix. Leur consommation d'information et d'émissions sur d'autres plateformes que la télévision et la radio force le diffuseur à s'adapter et à développer son offre mobile. Mais celle-ci sera faite en fonction de la vitesse d'absorption de la population, prévient-il, sans fournir plus de détails.

Pour illustrer, il a cité que 15% de ces jeunes n'ont pas de télé, mais possèdent tous, ou presque, (87% d'entre eux) un téléphone intelligent et la grande majorité écoutent des vidéos et de la musique sur Internet. Une façon de consommer diamétralement opposée au reste de la population, alors que 89% des Canadiens écoutent toujours la télé en direct, assis dans leur salon.

Il est par ailleurs toujours question de vendre des immeubles pour ainsi «transformer les dollars investis en infrastructure en dollars investis en programmation», a-t-il déclaré à son auditoire d'affaires. Des membres du syndicat des employés du diffuseur, présents sur place, ont fait remarquer qu'il avait parlé de programmation, et non pas de production. Quant aux objectifs de la société d'augmenter son offre de contenu sur appareils mobiles, alors qu'il doit réduire d'environ 25% le nombre de ses employés d'ici 2020, M. Lacroix a expliqué que cela sera possible, car des travailleurs seront réaffectés à ce secteur.

Utilisation de contenu journalistique

M. Lacroix a été interrogé sur le récent projet des conservateurs de modifier la loi sur le droit d'auteur afin de permettre aux partis politiques d'utiliser du contenu journalistique dans leurs publicités. Sans débourser un sou.

Il a fait savoir jeudi que Radio-Canada/CBC a toujours défendu la position selon laquelle cette façon de faire met les médias dans une situation inconfortable, et nuit à leur indépendance.

«Cela pourrait donner à quelqu'un l'impression qu'on a participé d'une façon ou d'une autre à son contenu», a-t-il dit.

Il affirme avoir écrit au gouvernement, comme d'autres médias, pour faire valoir cette position. Mais il n'a pas eu de discussions récentes à ce sujet avec la ministre du Patrimoine, a-t-il précisé.