La vente de dix magazines du groupe Lagardère poursuit la vague de restructurations dans la presse magazine, en pleine crise des ventes et de la publicité, qui pousse les éditeurs à se débarrasser des titres les moins rentables au profit de nouveaux acteurs très pragmatiques.

Jeudi, Lagardère Active a annoncé la cession de 10 titres (Be, Psychologies magazine, Auto moto, Campagne et décoration, Le journal de la maison, Maison & travaux, Mon jardin ma maison, Union et les versions papiers de Première et de Pariscope). Il compte aussi, selon des sources internes, supprimer des postes dans ses titres phares qu'il conserve: Elle (14 postes), Paris-Match (13), au JDD (6) et  Ici Paris (3).

Si les titres mis en vente, qui emploient 350 personnes, ne trouvent pas preneur, ils seront fermés, a annoncé la direction, qui cherche déjà sans succès à céder ses magazines de décoration depuis juin. Les salariés du groupe ont voté une grève pour lundi.

Début 2011, Lagardère avait déjà vendu ses titres à l'international à l'américain Hearst (Cosmopolitan, Harper's Bazaar...).

En juillet dernier, le groupe allemand Axel Springer a cédé ses magazines en France (Télé magazine, Vie pratique féminin, Marmiton magazine, Gourmand) à la jeune société Reworld Media, qui avait déjà racheté début 2013 Marie France au groupe Marie Claire.

NextRadioTV (BFM, BFMTV, RMC...), vient de vendre pour un euro symbolique ses derniers magazines papier, 01 Net et 01 Business, au jeune groupe She Three de Marc Laufer. À citer aussi la vente cet été du groupe Le Moniteur (21 titres professionnels) à Infopro, éditeur de l'Usine nouvelle.

L'OJD, qui mesure la diffusion de la presse, montre que la quasi-totalité de la presse magazine continue de voir ses ventes diminuer, sauf de petits nouveaux comme Causette ou Jour de France.

Ces baisses de ventes fragilisent tous les titres. Il a suffi de la perte d'un gros contrat pour pousser le groupe Le Monde à annoncer un plan de licenciements chez Courrier International avec la suppression de 29 postes sur 79.

Dans toutes ces opérations, les vendeurs veulent se recentrer sur leurs activités les plus rentables, tandis que les acheteurs, souvent de petites structures, rachètent à bas prix des marques encore connues, pour appliquer à moindres coûts d'autres business modèles.

Papier ou web?

Si le patron de NextRadioTVAlain Weill estime que le papier n'a pas d'avenir, les nouveaux propriétaires des marques de presse croient généralement à un couplage papier/web et à d'autres recettes commerciales, allant de la vente de produits sur les sites des titres jusqu'au «native advertising», autrement dit du rédactionnel commandité.

«Il ne faut pas arrêter le papier, qui doit rester au sein d'un écosystème dont le centre est le digital», a expliqué à l'AFP Pascal Chevalier, ex patron de Netbooster, qui a créé il y a un an Reworld Media, acquéreur des titres français d'Axel Springer. Son credo, le «content commerce», un commerce basé sur les contenus. «Il ne faut plus de logique de masse: les lecteurs veulent des informations pertinentes et les annonceurs des cibles qualifiées», selon lui.

Pascal Chevalier veut notamment développer la vente de produits, comme pour Marie-France: les internautes peuvent recevoir un produit vu dans une page du magazine, et recommandé par la rédaction.

Il a refusé d'indiquer s'il était intéressé par certains titres mis en vente par Lagardère.

Pour Marc Laufer, patron de She Three, les titres papier peuvent vivre par eux-mêmes, mais doivent en effet faire partie d'un «écosystème». «Le vrai sujet est que les réductions d'effectifs dans la presse coûtent horriblement cher. Tous ces groupes magazines gagnaient beaucoup d'argent, leurs rédactions étaient souvent trop nombreuses. Or les conditions de départ des journalistes lors d'une cession (un mois de salaire par année d'ancienneté) sont impossibles pour une petite structure», juge-t-il.