Les médias d'ici ne reflètent pas assez la diversité québécoise. Beaucoup le disent. Mais personne ne travaille autant que Donald Jean pour que ça change.

Donald Jean arrive en retard à notre rendez-vous. Tout en sueur. Il s'excuse, il devait passer chez le traiteur et cela lui a pris plus longtemps que prévu. «Mes journées sont complètement folles», dit-il en s'épongeant le front.

On peut comprendre. Dans moins d'une semaine, le directeur du webzine Média Mosaïque présentera son premier Gala des Lys de la diversité, au Théâtre Outremont. Annoncée il y a plusieurs mois, cette soirée glamour, qui se tiendra ce soir, vise à «récompenser ceux qui mettent de l'avant la diversité dans les médias». On y remettra une dizaine de prix et des artistes comme Lynda Thalie, Mamzelle Ruiz et le rappeur Samian se produiront sur scène.

Donald Jean ne s'en cache pas: cet événement vise à donner une plus grande visibilité au Québec multiculturel, qui souffre encore de sous-représentation dans les médias grand public. Et si sa démarche peut en plus inspirer les minorités visibles, alors tant mieux.

«C'est une façon de dire à la société d'accueil que nous sommes là, qu'elle nous tende la main, on ne peut pas le faire sans elle, dit-il. J'espère aussi que ça réveillera les gens de la diversité qui pleurnichent et ne prennent pas d'initiatives. Ce gala est le meilleur exemple qu'avec de la passion et de la fougue, on peut réussir.»

Frapper un mur

Vrai qu'il n'est pas facile de faire sa place dans la belle grande vitrine québécoise. À plus forte raison quand on vient d'ailleurs. Donald Jean, 42 ans, en sait quelque chose.

Avant de quitter Haïti en 2001, M. Jean était journaliste vedette à Vision 2000, seule chaîne radio diffusée à la grandeur du pays. Refroidi par l'assassinat de l'animateur engagé Jean Dominique, il a choisi de venir poursuivre sa carrière au Québec. Mais il a frappé un mur.

«J'ai postulé un peu partout. Je n'ai reçu aucune réponse. Même pas un accusé de réception», dit-il.

Appliquant la bonne vieille méthode du «jamais mieux servi que par soi-même», Donald Jean a fondé Média Mosaïque en 2006, une agence de presse internet spécialisée dans la couverture du Québec multiculturel (www.mediamosaique.com).

Contre toute attente, l'aventure a duré. Sept ans plus tard, avec la publicité comme seule source de revenus, Média Mosaïque survit avec une dizaine d'employés, mais seulement trois à temps plein. «C'est un combat de tous les jours qui ne finira pas», dit-il en dénonçant notamment le désintérêt chronique des annonceurs nationaux.

Sur le radar

Aujourd'hui, Donald Jean se pose en grand défenseur des médias ethniques au Québec. Avant de mettre son gala sur pied, il a organisé une demi-douzaine de colloques (les «Assises de la diversité») pour réfléchir sur la place des médias ethniques et de la diversité dans les médias grand public.

Sans amener de grandes révélations, ces rencontres ont mis le doigt sur le bobo, à savoir que les médias ethniques n'ont pas les moyens de leurs ambitions, et que les gros médias n'engagent pas assez de minorités visibles.

Donald Jean ne sait pas si tous ces efforts déboucheront sur des résultats tangibles. Mais il affirme que ses «assises» ont permis sur un meilleur réseautage entre les différents médias ethniques, et mis un peu de pression sur les gros décideurs, comme Radio-Canada, qui ne peuvent plus ignorer le problème. Accessoirement, il admet que ses démarches ont permis à Média Mosaïque de s'inscrire sur le radar de plusieurs joueurs.

Les médias ethniques, du reste, ont aussi leurs responsabilités. Quand on lui fait remarquer que Média Mosaïque passe trop de temps dans les conférences de presse et pas assez sur le terrain, à débusquer des histoires qui pourraient échapper aux gros médias, Donald Jean acquiesce. Mais encore une fois, dit-il, tout est une question de moyens. «Parce que des idées, on en a plein la tête.»

En attendant, il se dit convaincu que son gala est un pas dans la bonne direction.

«Peut-être qu'un jour, la diversité ne sera plus un sujet folklorique, mais un thème de la vie de tous les jours, dit-il. L'important aujourd'hui, c'est d'en parler...»