Confronté comme l'ensemble de la presse à la crise économique, le grand quotidien belge Le Soir joue les pionniers en proposant tous les jours à 17h une nouvelle édition «tout numérique» et payante, qui pourrait servir d'exemple aux autres titres du groupe Rossel, notamment en France.

«Le Soir n'a pas décidé d'arrêter le papier, ce serait complètement suicidaire», affirme dans son bureau situé au coeur de la rédaction Philippe Laloux, le «monsieur numérique» du journal bruxellois fondé il y a tout juste 125 ans.

Mais parce que «de plus en plus de lecteurs veulent disposer, en sortant du bureau ou avant de se coucher, d'une information approfondie et hiérarchisée, notamment sur les nouveaux supports comme les tablettes et les smartphones, un nouveau rendez-vous leur est fixé depuis la mi-janvier, tous les jours à 17h», explique-t-il.

«Il ne s'agit pas d'une évolution du site web mais d'un nouveau produit qui permet de sortir du flux de l'actualité, avec tous les avantages du numérique: l'ergonomie des écrans, les enrichissements du multimédia, les liens hypertexte», insiste le père de ce projet qui, selon lui, n'a pas d'équivalent dans la presse francophone ou anglophone.

Comme sur une tablette, les articles mis en ligne à 17h «glissent» de la droite vers la gauche au fur et à mesure que l'on circule dans les rubriques du quotidien. À la différence du site web, les grandes signatures du Soir sont clairement mises en avant. Chaque service - politique, monde, culture ou sports - est censé fournir à chaque édition au moins un article original sur un sujet dominant de l'actualité du jour.

L'autre grande nouveauté est qu'il faut payer pour accéder à cette nouvelle édition, qui renoue avec la tradition vespérale du quotidien de la rue Royale. Un abonnement de 24 heures, qui donne également accès aux archives complètes du journal et à la version PDF de l'édition du matin, coûte un euro.

«Planche de salut»

Mais l'objectif, en enrichissant l'offre «premium», est surtout d'augmenter le nombre d'abonnés réguliers pour enrayer la baisse de la diffusion payante du quotidien et la chute dramatique des revenus publicitaires causée par la crise économique, explique à l'AFP Didier Hamann, directeur et rédacteur-en-chef du Soir.

«Nous avons offert de l'information gratuite de qualité pendant de très nombreuses années. Ce n'est plus possible, on est au bout de ce modèle. C'est certain, l'information gratuite de qualité, c'est terminé», martèle M. Hamann, en estimant que «les gens sont prêts à payer pour de la bonne information, qui arrive au bon moment sur le bon support».

«La planche de salut, ce sont les abonnements numériques», abondait récemment le patron de Rossel, maison mère du Soir, Bernard Marchant.

Là encore, le groupe belge se veut novateur, puisqu'il s'est associé au principal opérateur de téléphonie du pays et à un grand fabricant coréen d'électronique pour proposer une «offre couplée» composée d'un abonnement de deux ans au Soir, d'un accès à l'internet mobile et d'une tablette, le tout à un prix variant de 23 à 41 euros par mois.

Selon M. Marchant, l'opération lancée fin 2012 rencontre un «vif succès» et l'objectif de 3500 nouveaux abonnés devrait être atteint.

L'arrivée de l'édition numérique bouscule les habitudes de la rédaction. Le président de la Société des journalistes du Soir, Bernard Padoan, déplore qu'«aucun moyen humain supplémentaire n'ait été affecté à cette tâche supplémentaire», alors même qu'un plan social devrait bientôt entraîner le départ d'une dizaine de journalistes.

Pour Rossel, qui réalise la moitié de son chiffre d'affaires en France avec La Voix du Nord et les journaux du pôle Champagne-Ardenne-Picardie, l'expérience tentée à Bruxelles a valeur de test.

«Faire des développement pour un seul journal, ce n'est pas gérable sur le plan financier. Nous sommes heureusement dans un groupe qui comprend énormément de journaux», souligne Didier Hamann.