L'ancien journaliste Laurier LaPierre, qui avait coanimé dans les années 1960 l'émission d'affaires publiques This Hour has Seven Days à la télévision de la CBC, est décédé. Il était âgé de 83 ans.

Né à Lac-Mégantic en 1929, M. LaPierre avait obtenu un doctorat en histoire de l'université de Toronto en 1962. Deux ans plus tard, cet intellectuel devenait une personnalité publique du Canada anglais en coanimant, avec Patrick Watson, la très populaire émission This Hour has Seven Days.

Intervieweur coriace, il pouvait cependant laisser paraître ses émotions. Il avait difficilement retenu ses larmes en 1966 lors d'une entrevue avec la mère d'un condamné à mort âgé de 14 ans, Stephen Truscott, ce qui lui avait valu de fortes critiques dans les médias.

Le président de la SRC, Alphonse Ouimet, avait réprimandé sa conduite, qu'il avait jugée «non professionnelle».

Le contrat de M. LaPierre avec la société d'État n'a pas été renouvelé, et l'émission a pris fin en mai de la même année.

Le journaliste a ensuite fait quelques brèves apparitions à la télévision mais c'est comme professeur qu'il a poursuivi sa carrière - à l'Université Western Ontario, au collège Loyola et à l'Université McGill.

Sa carrière en enseignement supérieur a été marquée par sa promotion du bilinguisme au Canada, selon son ancien collègue de la CBC Mark Starowicz.

Plusieurs de ses écrits mettaient au défi la notion des deux solitudes du Canada à l'époque où le fossé entre les anglophones et les francophones était à son plus large.

«Il avait le courage d'attaquer les deux forteresses, lançant aux anglophones montréalais qu'ils étaient eux aussi Québécois et aux nationalistes québécois francophones qu'ils devaient arrêter d'agir de manière provinciale, et qu'ils devaient réaliser qu'ils étaient eux aussi des citoyens canadiens.

«Les deux énoncés étaient très impopulaires à l'époque, et il fallait beaucoup de courage», a souligné M. Starowicz.

Il a aussi vainement tenté sa chance en politique active, comme candidat du Nouveau Parti démocratique dans la circonscription montréalaise de Lachine en 1968.

Le premier ministre Jean Chrétien l'a nommé au Sénat en 2001, où il a siégé pendant trois ans. Son ancien collègue à la chambre haute Jim Munson se souvient de son engagement envers les Autochtones, pendant ses trois ans au Sénat.

«Il avait un point faible pour ce que nous, comme société, avons fait et continuons de faire aux Premières Nations de ce pays. Il parlait de façon très passionnée à propos du respect et de la compréhension du statut des Autochtones», a expliqué M. Munson, qui a souligné la spontanéité et la passion de M. LaPierre.

Il a aussi milité activement pour les droits des homosexuels, après sa sortie du placard dans les années 1980 lors d'une manifestation. Il a soutenu activement le projet de loi sur les crimes à caractère haineux en 2004, et a été militant de l'organisme national Égale, qui défend les droits des lesbiennes et des gais.

Le chef libéral par intérim, Bob Rae, qui a confirmé la nouvelle du décès de M. LaPierre lundi après-midi, a salué son engagement sur des enjeux comme le bilinguisme et les droits des homosexuels.

«Son humour, son sens profond de l'ironie, son amour pour le pays et sa passion pour son histoire - tout cela témoigne de son caractère à la fois passionné et chaleureux. C'était un homme extraordinaire et il manquera énormément à ses nombreux amis et admirateurs», a indiqué M. Rae, dans un communiqué.

Laurier LaPierre laisse dans le deuil son conjoint Harvey Slack, avec qui il vivait depuis des années.