La campagne présidentielle de 2008 avait été marquée par la montée fulgurante des réseaux sociaux. Celle qui s'achève sera sans contredit la campagne du fact-checking. Dans un monde où la machine à rumeurs s'emballe rapidement et dans lequel les candidats et les partis n'hésitent pas à faire circuler des demi-vérités ou des mensonges, la vérification des faits est devenue incontournable.

«C'est la tendance forte de cette campagne, confirme John Parisella, analyste de la politique américaine associé à la chaire Raoul-Dandurand en études stratégiques et diplomatiques. Plusieurs médias ont fait de la vérification de faits, CNN en tête. On trouve également plusieurs sites consacrés exclusivement à la vérification de faits (comme factcheck.org). Cela a permis de découvrir que les publicités républicaines contenaient plus de faussetés que celles des démocrates.»

Pour Élisabeth Vallet, professeure associée au département de géographie de l'UQAM et chercheuse à l'Observatoire sur les États-Unis, la vérification de faits est également le point marquant de la couverture médiatique de la campagne 2012. «Il y avait d'ailleurs une présence accrue des chercheurs universitaires et des think tanks sur les réseaux sociaux.»

Cette tendance à ne rien tenir pour acquis et à vérifier les affirmations des politiciens et des partis n'est pas propre aux universitaires et aux journalistes. On l'a également observée chez les électeurs. Selon une étude du Pew Research Center, plus du tiers (38%) des électeurs inscrits sont propriétaires d'un téléphone intelligent et ont utilisé leur appareil pour vérifier la véracité d'une information entendue durant la campagne. Dans l'ensemble, une très grande majorité d'électeurs inscrits a utilisé son téléphone pour s'informer, interagir avec les organisations politiques ou pour échanger avec d'autres électeurs.

Reflet du climat politique

La toile de fond de cette quête de vérité? Un contexte politique particulièrement agressif. Selon une autre étude du Pew Center's Project for Excellence in Journalism, les différences idéologiques étaient encore plus prononcées que lors de la campagne de 2008. Les chercheurs ont en outre noté que la chaîne câblée MSNBC était plus négative à l'endroit de Romney que l'était Fox à l'endroit d'Obama. «C'est une campagne qui reflète le climat politique aux États-Unis, note John Parisella. D'un côté, on trouve les médias conservateurs avec Fox, le Wall Street Journal et tout l'empire Murdoch, alignés sur le message républicain et, de l'autre, il y a MSNBC, suivi de CNN. Les positions sont très polarisées.»

On le voit encore plus dans les réseaux sociaux, selon l'enquête du Project for Excellence in Journalism qui note que les échanges à propos des candidats sur Twitter, Facebook et dans les blogues étaient toujours négatifs alors que, dans les médias traditionnels, les reportages étaient légèrement plus favorables à l'endroit du président.

«Si on est Américain, il est difficile d'avoir une vue d'ensemble de la campagne, note Élisabeth Vallet, à moins d'écouter BBC World ou PBS. La couverture médiatique est très insulaire et change beaucoup selon que l'on est à gauche ou à droite, au Vermont ou en Californie.»

Est-ce que les relations qu'entretiennent les candidats avec les médias ont une influence sur la couverture médiatique? Difficile à vérifier. Chose certaine, on ne peut pas dire que Mitt Romney et Barack Obama soient passés maîtres dans ce domaine. «Obama ne tient pas beaucoup de conférences de presse, il n'a donc pas beaucoup été testé par les médias», constate John Parisella, selon qui cette absence de contacts réguliers avec la presse pourrait bien expliquer la contre-performance du président au premier débat. Quant à Mitt Romney, «je pense qu'il n'a pas parlé à un reporter depuis 30 jours, souligne en riant Élisabeth Vallet. Il évite de s'exposer afin de ne pas faire de gaffe.»

En plus de jouer un rôle crucial durant la campagne, les médias traditionnels et les réseaux sociaux seront au coeur de la soirée électorale demain. Ce sont eux qui annonceront les résultats les premiers, même si, dans certains cas, ils seront confirmés officiellement plusieurs semaines après le jour des élections. Enfin, c'est Associated Press qui acheminera les résultats aux médias du monde entier grâce au travail d'environ 5000 employés qui les récolteront dans tout le pays.

Trois comptes Twitter à suivre demain soir selon...

John Parisella (@JohnParisella sur Twitter)

> @TheFix pour les commentaires et les compléments d'informations croustillants

> @politico pour la couverture d'ensemble des élections

> @AP pour les résultats qui dictent souvent les annonces des grandes chaînes

> Et pour le «number crunching» plus technique, c'est @fivethirtyeight

Élisabeth Vallet (@Geopolitics2020 sur Twitter)

> @RDandurand (chaire Raoul-Dandurand)

> @FHQ (Josh Putman, professeur adjoint en sciences politiques)

> @rickhasen (spécialiste en droit politique, il s'avérera une source importante s'il y a recomptage)