L'ouragan Sandy marquera-t-il un tournant dans l'évolution d'Instagram comme la révolution iranienne et le Printemps arabe l'ont fait pour Twitter? La question se pose, car au plus fort de la tempête, lundi soir, les utilisateurs de ce réseau de partage de photos échangeaient 10 photos à la seconde, selon son président, Kevin Systrom, qui évalue à plus de 230 000 le nombre de clichés accompagnés du mot-clé #sandy.

Instagram est une application mobile pour téléphones intelligents qui permet de partager et de diffuser nos photos sur Twitter, Facebook et tumblr. Rachetée par Facebook en avril dernier pour la rondelette somme de 750 millions de dollars, Instagram compte plus de 80 millions d'utilisateurs dans le monde qui échangent plus de 5 millions de photos par jour. C'est l'équivalent de Twitter, mais avec des images plutôt que des mots.

Kevin Systrom ne s'en cache pas, il souhaite qu'Instagram soit davantage qu'une plateforme pour afficher des photos de plats gastronomiques ou de chatons. Avec l'ouragan Sandy, Instagram s'est donc rapproché de son objectif de devenir un réseau social d'information vers lequel les gens se tournent lorsqu'il se passe quelque chose de spectaculaire.

Le piège des photos truquées

Ce type de photojournalisme citoyen comporte toutefois des pièges, comme on a pu le voir lundi. Plusieurs photos truquées ont circulé (on en trouve sur le site instacane.com, agrégateur des photos de l'ouragan). Comment vérifier leur authenticité, tout comme celle des vidéos? «La première étape est de vérifier l'image en communiquant avec la personne qui l'a prise afin qu'elle nous en dise plus sur le contexte, note Craig Silverman, journaliste, fondateur du site Regret the Error et membre du Poynter Institute. Pour Instagram, on peut demander à la personne de nous envoyer l'original, sans filtre.»

En effet, Instagram offre la possibilité d'utiliser 15 filtres pour ajouter des effets spéciaux. Mais dans un contexte d'information, est-ce éthique d'altérer la réalité pour rendre la scène plus esthétique?

«Cela peut poser problème durant une tempête, alors que les images les plus précises sont celles qui sont les plus réalistes possible, observe Craig Silverman. Pour éviter la confusion, les médias d'information devraient souligner que les photos proviennent d'Instagram et indiquer aux lecteurs qu'elles peuvent avoir été modifiées à l'aide d'un filtre.»

Pour Richard Bégin, professeur adjoint au département d'études cinématographiques de l'Université de Montréal, le filtre est aussi une façon pour le témoin d'un événement d'exprimer une émotion.

«En utilisant un filtre, le témoin se met en scène comme le journaliste qui utiliserait un point d'exclamation pour accentuer une émotion. Ce sont des questions qui nous ramènent à la notion d'objectivité.»