«Inacceptable.» C'est le terme qu'a utilisé le Globe and Mail pour qualifier la conduite de sa chroniqueuse-vedette Margaret Wente, accusée de plagiat pour une chronique publiée en 2009. Mais la réponse du quotidien est loin de satisfaire la communauté journalistique canadienne-anglaise, qui lui reproche sa désinvolture dans toute cette histoire.

L'affaire a commencé le 18 septembre dernier, quand Carol Wainio, auteure du blogue Media Culpa et professeure au département d'arts visuels à l'Université d'Ottawa, a souligné de nombreuses similitudes entre des chroniques de Mme Wente et des textes d'autres journalistes. Trois jours plus tard, sous des pressions de plus en plus fortes, l'ombudsman du Globe, Sylvia Stead, a réagi publiquement et reconnu qu'il y avait certaines ressemblances entre les textes. En guise de justification, elle a notamment invoqué le rythme de travail de Margaret Wente, qui publie en moyenne trois chroniques par semaine.

Devant des réactions de plus en plus vives dans les réseaux sociaux, c'est finalement le rédacteur en chef du journal, John Stackhouse, qui a pris le dossier en main. Lundi soir, il a rendu publique une note interne dans laquelle il blâmait Mme Wente, annonçant du même coup qu'elle ferait l'objet de mesures disciplinaires (gardées secrètes). Le rédacteur en chef du Globe a aussi annoncé que l'ombudsman - qui jusque-là relevait de la rédaction - serait désormais sous l'autorité de l'éditeur.

Dans un texte publié hier, Mme Wente a quant à elle reconnu sa culpabilité, tout en ajoutant que la blogueuse qui l'a dénoncée ne l'avait jamais aimée. Elle déplore aussi «cette époque où tout le monde se livre à des attaques personnelles». L'ombudsman du Globe and Mail, Sylvia Stead, a également publié un texte hier dans lequel elle admet avoir erré.

Rigueur et crédibilité

Selon le professeur de journalisme Florian Sauvageau, toute cette affaire éclabousse davantage le quotidien anglophone que Mme Wente. «On a l'impression qu'ils ont voulu minimiser l'incident et protéger leur journaliste. Leur crédibilité en prend un coup.»

Le secrétaire général du Conseil de presse du Québec, Guy Amyot, estime que l'ombudsman du Globe and Mail a manqué de rigueur. «Elle a traité l'affaire avec légèreté», dit-il. À ses yeux, l'affaire Wente est loin d'être un cas isolé. «On assiste à tous les niveaux, au quotidien, à un relâchement de l'éthique et de la déontologie. Quand on fabrique une chaise, il y a des mécanismes de contrôle de qualité. Où sont-ils dans le milieu journalistique?»

Selon M. Sauvageau, cet incident porte à réflexion: «Étant donné l'abondance des sources auxquelles nous avons accès, nous sommes tous placés devant un phénomène d'emprunt. Moi-même, j'ai lu plusieurs articles avant de vous parler. Qui me dit que je ne reprends pas à mon compte, sans le réaliser, l'opinion de quelqu'un d'autre?»

Quant à Ivor Shapiro, membre du comité sur l'éthique de l'Association canadienne de journalisme et professeur d'éthique à l'Université Ryerson, il se dit optimiste. «Ce n'est certainement pas une bonne journée pour le Globe, mais le fait que nous ayons cette discussion et le fait qu'il ait revu la place de son ombudsman dans son organigramme sont d'excellentes nouvelles, croit-il. Peut-être que cet incident va encourager d'autres médias à se doter, eux aussi, d'un ombudsman et à renforcer les mécanismes éthiques de leur salle de rédaction.»