C'est le Globe and Mail qui a attiré l'attention sur cette troublante tendance (qui n'est pas si nouvelle, soit dit en passant) il y a quelques mois: de plus en plus d'entreprises embaucheraient des journalistes professionnels pour rédiger des reportages publiés sur leur site web.

L'objectif est d'attirer sur leur site les internautes qui sont en mode recherche sur Google. Dans le cas des magazines corporatifs, l'objectif est d'offrir un contenu informatif (pensons au magazine En Route ou à Cellier de la SAQ) qui placent le consommateur dans le contexte de la marque, mais sans lui donner l'impression qu'il lit un dépliant publicitaire.

En anglais, on appelle cela le «branded journalism», une expression qu'on pourrait traduire par «journalisme de marque», par opposition à «journalisme traditionnel» ou «journalisme critique».

D'un point de vue strictement d'affaires, l'idée est astucieuse. Mais d'un point de vue purement journalistique, elle soulève de nombreuses questions.

Ces textes écrits par d'anciens journalistes professionnels et qui ressemblent à des textes journalistiques en sont-ils vraiment? Certains disent que oui, mais il est permis (et même fortement conseillé) d'en douter. Quand Cisco (c'est l'exemple donné dans le texte du Globe and Mail) embauche un journaliste expérimenté afin d'écrire sur la technologie pour le site corporatif, peut-on vraiment parler de journalisme? Au fond, ne sommes-nous pas face à de la bonne vieille communication corporative, à des relations publiques déguisées sous forme de reportage?

Certains estiment qu'il n'y a pas vraiment de différence entre le journaliste qui accepte d'être payé par une entreprise comme Cisco pour écrire sur son site web et le journaliste qui travaille pour NBC, filiale de General Electric. Dans les deux cas, ultimement, le journaliste est payé par une grande corporation. Ce qu'on oublie de dire c'est qu'une entreprise médiatique doit répondre à certains critères et que ses journalistes sont soumis à un code de déontologie. Le journaliste travaille pour informer le public, le rédacteur travaille d'abord pour son employeur.

Vous ne trouverez jamais un article critiquant Air Canada dans le magazine En route, tout comme vous ne trouverez pas d'articles assassins sur le vin dans le magazine Cellier de la SAQ. Voilà pourquoi il faut parler de rédaction professionnelle ou de rédaction corporative et non de journalisme.

«Oui, mais notre démarche est limpide, nous le disons haut et fort que nous travaillons pour l'entreprise X», se défendent ceux qui mettent leur plume au service d'une marque, ajoutant que désormais, «la transparence a remplacé l'objectivité». En disant cela, ils contribuent plutôt à brouiller la frontière, pas toujours claire aux yeux de plusieurs, entre le journalisme et la communication. Ce phénomène est loin d'être réjouissant pour l'avenir du journalisme professionnel. Dans une industrie fragilisée où les conditions de travail sont à la baisse, il deviendra de plus en plus tentant de répondre à l'appel de ces entreprises prêtes à payer davantage que les médias traditionnels pour s'offrir les services d'un professionnel qui sait écrire et qui a les réflexes aiguisés. Soyons clairs, il n'y a rien de mal à écrire des textes pour une entreprise. Mais de grâce, n'appelons pas cela du journalisme!

Un nouveau Nouveau Projet

On peut être sexy et avoir de la profondeur. C'est ce qu'on aurait envie de dire à l'équipe de Nouveau Projet, qui nous présente son second numéro ces jours-ci. La une n'est vraiment pas invitante et le design des pages, austère, ajoute une certaine lourdeur à un contenu qui gagnerait à être présenté sous une forme plus dynamique. Sans doute que ces détails sembleront futiles aux yeux de l'équipe de rédaction, mais quand on publie des longs textes, il faut savoir rendre la lecture agréable (le New Yorker, par exemple, ajoute des illustrations et des poèmes). Cela dit, le contenu de cette deuxième édition, qui nous invite à réfléchir au progrès, est riche et foisonnant. Est-ce que NP réussira à se tailler une place dans le paysage médiatique québécois? Il faudra attendre encore quelques numéros pour l'affirmer sans hésitation. Chose certaine: il apporte un point de vue original et différent. C'est un bon début.

Un Vanity Fair français

Vanity Fair aura son cousin français d'ici l'été 2013 et il sera dirigé par Michel Denisot, animateur du Grand Journal sur Canal Plus. Reprenant la même formule que le VF américain, le mensuel proposera du contenu original à 80%. «On va redonner un peu de noblesse aux métiers de la presse et aux lecteurs, malmenés par la vitesse, les 140 signes d'un tweet, les photos volées», a déclaré M. Denisot, à L'Express.