On attendait un tigre enragé, ou peut-être un chat de gouttière, mais on dirait bien qu'avec Radio X Montréal, on a plutôt affaire à un minou dégriffé. Celle qu'on baptisait la radio-poubelle lorsqu'elle sévissait à Québec est en ondes depuis le 20 août et elle a adouci le ton, sans doute dans l'espoir de conquérir les auditeurs montréalais.

Pour ceux et celles qui n'auraient jamais entendu parler de Radio X (CHOI) auparavant, rappelons que cette «radio parlée» s'est fait tristement connaître à la fin des années 90 et au début des années 2000 lorsque son animateur-vedette Jeff Fillion régnait en roi et maître sur les ondes de la Vieille Capitale. À l'époque, son acharnement à l'endroit de l'animatrice de télévision Sophie Chiasson lui a valu une sévère réprimande de la part d'un juge de la Cour supérieure ainsi qu'une amende salée. Il a quitté l'animation de son émission en 2005.

Après le départ de Fillion, le ton s'est un peu calmé, ce qui ne veut pas dire que les animateurs de la station ont complètement arrêté de dire des niaiseries. Des exemples: un animateur a déjà comparé Haïti à «un trou à marde», un autre a proposé d'envoyer les itinérants dans le Grand Nord et un troisième a lancé une campagne édifiante consistant à «klaxonner un cycliste sur la route» (et non, ce n'était pas un geste amical).

Bref, Radio X ne s'est pas toujours distinguée par l'intelligence de ses propos. Cela dit, il serait réducteur pour tous ceux et celles qui se sont lancés de bonne foi dans l'aventure montréalaise de juger la station en fonction des propos tenus à Québec.

Car voilà, malgré les publicités maison sur fond de heavy metal qui nous annoncent davantage un combat de lutte qu'une émission de radio, Radio X a mis de l'eau dans son vin, bien déterminée à gruger une part du marché du 98,5 (FM) de Cogeco, qui règne sur le marché montréalais.

En entrevue au quotidien Le Soleil, Patrice Demers, directeur de CHOI à Québec, a déclaré que Radio X Montréal visait surtout les banlieusards du 450 (Rive-Nord et Rive-Sud) qui passent plusieurs heures dans leur auto (qui sont donc disponibles pour écouter la radio et qui sont sensibles au discours du gros bon sens). En d'autres mots, si Paul Arcand, Dutrizac et compagnie «posent les vraies questions», les animateurs de Radio X, eux, «disent les vraies affaires».

Est-ce que cela fait de la bonne radio?

Disons qu'on est loin de la diction et du niveau de vocabulaire d'animateurs chevronnés comme René Homier-Roy, Michel Desautels, Isabelle Maréchal ou Paul Houde. On parle entre amis, on sacre à l'occasion (du moins dans les tribunes téléphoniques) et la rigueur est loin d'être au rendez-vous (on entend beaucoup de: «je pense que..., il paraît que..., j'ai entendu dire que...»).

De plus, on a droit aux habituelles opinions anti-Radio-Canada, anti-intellos ou anti-gauche québécoise.

Enfin, Radio X n'a pas les moyens de ses compétiteurs et ça s'entend: on jase beaucoup. Et parfois, c'est long. Quinze minutes à se demander si le gaspacho, c'est vraiment bon, ou si Mario Dumont porte la bonne couleur de veston lorsqu'il commente les débats sur les ondes de TVA, c'est vraiment sans intérêt.

Émission du midi

Mais tout n'est pas insignifiant. Le midi, par exemple, Éric Duhaime, qui au départ n'a pas d'expérience comme animateur, s'en tire assez bien et semble déterminé à proposer une émission avec du contenu.

Et il n'y a pas que de la jasette sur tout et sur rien. On fait aussi des entrevues et on invite des spécialistes, et ils ne sont pas tous issus de la droite. Au cours des dernières semaines, on a pu entendre Amir Khadir et Gilles Duceppe, par exemple. Et des spécialistes comme Michel Juneau-Katsuya et Jean-François Dumas, d'Influence Communications, ont également commenté l'actualité au micro de Radio X, qui a même couvert la soirée électorale en envoyant des animateurs dans les lieux de rassemblement des principaux partis. On a aussi proposé une émission spéciale de deux heures sur l'attentat du Métropolis.

Bref, il n'est pas impossible que Radio X attire de jeunes auditeurs qui recherchent plus de contenu qu'à Énergie ou CKOI, et plus d'opinions et de propos provocateurs qu'au 98,5 FM. Par contre, il semble moins probable qu'un auditeur traditionnel de la Première Chaîne de Radio-Canada délaisse Catherine Perrin pour Dominic Maurais.

Chose certaine, il faudra attendre une année complète pour découvrir le vrai visage de Radio X et pour voir si elle réussit à se tailler une véritable place dans le paysage médiatique montréalais.

PHOTO ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

Jeff Fillion, ancien animateur-vedettte à Québec.