La chaîne de télévision du Qatar Al Jazira a annoncé mardi être contrainte de fermer son bureau anglophone à Pékin après le refus des autorités chinoises de renouveler l'accréditation de sa journaliste, probablement à suite d'un documentaire sur les prisons en Chine.

Le Club des correspondants étrangers en Chine (FCCC) a déclaré être «scandalisé» par la décision chinoise qui équivaut de facto à une expulsion, estimant qu'il s'agissait d'une «grave menace pour la capacité de la presse étrangère de travailler en Chine».

Employée par la chaîne anglophone d'Al Jazira, l'Américaine Melissa Chan est la première journaliste expulsée de Chine depuis 1998, date à laquelle un correspondant du magazine allemand Der Spiegel avait été obligé de quitter le pays après avoir été accusé de détenir des secrets d'État.

Al Jazira a expliqué ne pas avoir d'autre choix que de fermer son bureau opérant en anglais, la Chine ayant également refusé de délivrer des visas à d'autres journalistes de ce service. La chaîne maintient ses opérations en arabe depuis Pékin.

«Nous sommes fortement engagés dans notre couverture de la Chine. De même que les services des médias chinois couvrent l'actualité mondiale librement, nous aimerions la même liberté pour en Chine pour tout journaliste d'Al Jazira», a dit Salah Negm, responsable éditorial de la chaîne en anglais d'Al Jazira.

Le gouvernement chinois a «accusé Mme Chan d'avoir enfreint des lois et règlements qu'ils n'ont pas spécifié», selon le FCCC.

Le Club des journalistes étrangers a expliqué que des responsables chinois avaient exprimé leur mécontentement après la diffusion par Al Jazira d'un documentaire diffusé en novembre 2011, auquel Mme Chan n'avait d'ailleurs pas participé.

«Nous pensons que le documentaire qui a provoqué l'ire des autorités chinoises concernait le travail forcé dans les prisons en Chine», a précisé le FCCC en réponse à une question de l'AFP.

Comme d'autres journalistes étrangers en Chine, Melissa Chan avait également effectué des reportages sur des prisons secrètes et des troubles sociaux.

«C'est l'exemple le plus extrême de l'attitude qui a consisté récemment à utiliser les visas des journalistes pour essayer de censurer et intimider les journalistes étrangers en Chine», a ajouté dans son communiqué le FCCC, organisation régulièrement qualifiée d'«illégale» par les autorités chinoises.

«Le FCCC estime que ce sont les organes de presse étrangers, et pas le gouvernement chinois, qui ont le droit de choisir qui travaille en Chine, conformément aux pratiques internationales».

Le ministère des Affaires étrangères, qui délivre leurs cartes aux journalistes étrangers en Chine, a refusé mardi de répondre directement à de très nombreuses questions sur Melissa Chan, se contentant de déclarations de principe.

«Nous encourageons les journalistes étrangers à rendre compte objectivement de la Chine. Nous avons également apporté beaucoup d'aides et facilité le travail des journalistes étrangers», a affirmé Hong Lei, porte-parole du ministère, assailli de questions lors du point de presse quotidien.

«L'environnement (de travail) pour leurs activités de reportage est libre» a ajouté M. Hong, en dépit du fait que plusieurs journalistes ont été menacés d'avoir leur visa révoqué ces derniers jours pour avoir patienté sur le parking de l'hôpital Chaoyang de Pékin, dans l'espoir de pouvoir rencontrer le militant des droits civiques Chen Guangcheng.

Pour le Comité pour la protection des journalistes (CPJ), basé à New York, «le refus de renouveler l'accréditation de Melissa Chan marque une vraie détérioration de l'environnement pour les médias en Chine».