La survie des journaux passera-t-elle par leur vente à de grosses entreprises techno? Est-ce qu'un jour, Facebook achètera le New York Times?

C'est une des questions que pose l'édition 2012 du rapport sur l'État des médias d'information publié par le Project for Excellence in Journalism du Pew Research Center.

Les auteurs de ce rapport toujours très attendu par la communauté journalistique notent que les médias d'information traditionnels accusent un certain retard technologique. Ils avaient déjà noté cette tendance dans leur rapport de 2011, mais il semble qu'elle se soit accentuée.

«Au cours de la dernière année, un petit nombre de géants technologiques ont consolidé rapidement leur suprématie en devenant les producteurs de «tout» dans notre vie numérique, lit-on dans le rapport. Google, Amazon, Facebook, Apple et quelques autres travaillent à fabriquer les appareils (ordinateurs, téléphones, tablettes) que les gens utilisent, les systèmes d'exploitation qui font rouler ces appareils, les navigateurs que nous utilisons pour fouiller dans l'internet, les services de courriel avec lesquels nous communiquons ainsi que les réseaux sociaux et les plateformes où nous magasinons et jouons. Et tout cela fournit à ces entreprises des données personnelles à propos de chaque consommateur.»

La technologie évolue à vitesse grand V et les médias traditionnels peinent à suivre le rythme. Ils ont misé davantage dans la création de contenus que dans la conception d'outils technologiques (ce qui est normal) et ils tardent, pour des raisons de protection de la vie privée, à exploiter à fond les données désormais disponibles sur leurs lecteurs afin de développer une stratégie publicitaire ciblée et personnalisée. Leurs hésitations, très compréhensibles, expliquent le retard qu'ils accusent quand on les compare à d'autres entreprises présentes sur le web.

Parallèlement à cela, les grandes plateformes de diffusion (pensons à America Online, Yahoo ou YouTube) sont à la recherche de contenus. Résultat: on assiste à des alliances entre des entreprises techno (celles qui possèdent les tuyaux, la quincaillerie) et des producteurs de contenu, c'est-à-dire les médias.

Quelques acquisitions ou ententes récentes confirment cette tendance: au cours de la dernière année, YouTube a financé Reuters pour produire des vidéos originales, Yahoo a signé une entente avec ABC News et AOL est maintenant propriétaire de Huffington Post. D'où la question: à quand l'achat d'un excellent producteur de contenus comme le New York Times par le géant Facebook?

En attendant ce moment qui n'arrivera peut-être pas, plusieurs entreprises de presse font cavalier seul et tentent tout de même de développer leurs opérations numériques: qu'on pense au New York Times et à tous ces journaux qui exigent désormais un abonnement payant pour avoir accès à leur contenu en ligne. Ou au Financial Times qui a conçu sa propre application pour iPad. Malheureusement, notent les auteurs, les tentatives sont encore rares et les revenus publicitaires ne suivent pas. Nous voilà encore et toujours face à l'éternel problème du modèle d'affaires.

La bonne nouvelle (du moins pour les médias d'information), c'est que l'information demeure une denrée recherchée et valorisée. Toujours dans l'étude réalisée par le Pew Research Center, on constate que les propriétaires de téléphones intelligents et de tablettes numériques consomment davantage de contenus journalistiques que par le passé. Aux États-Unis, plus de quatre personnes sur dix possèdent un téléphone intelligent et cinq personnes sur dix ont une tablette numérique (un portrait qui n'est pas si éloigné de la situation canadienne). La technologie crée-t-elle le besoin? Toujours est-il que ces utilisateurs de téléphones et de tablettes se passionnent de plus en plus pour les reportages fouillés, les longs papiers, les analyses qui dépassent trois ou quatre paragraphes. Et ces moments passés à lire de longs papiers sur la tablette ne se feraient pas au détriment du temps passé sur le site web d'un journal. On souligne plutôt qu'il s'ajoute à celui-ci, dans une proportion de 9%.

Cette soif d'information s'observe même à la télévision, où les bulletins d'information, qui voyaient leur auditoire décliner depuis plusieurs années, enregistrent une légère augmentation (autour de 4,5% chez les trois grands réseaux américains). Il y a fort à parier que le Printemps arabe et ses suites ainsi que l'actualité politique américaine (il y aura des élections en novembre) y sont pour quelque chose.

Enfin, les auteurs de l'État des médias d'information 2012 prédisent qu'au cours de la prochaine année, d'autres journaux mettront en marché des versions numériques et qu'à moyen terme, le papier prendra de moins en moins de place. Un journal pourrait par exemple avoir une édition papier le dimanche ou encore deux ou trois éditions papier durant la semaine et offrir le reste de son contenu sur un support numérique. Ce ne sont que des prévisions basées sur l'observation de tendances, mais, jusqu'ici, le Pew Research Center ne s'est pas souvent trompé.

Pour lire le rapport: stateofthemedia.org