Le congédiement jeudi du directeur général de l'information de Radio-Canada, Alain Saulnier, a créé une véritable onde de choc au sein de la communauté journalistique.

La Fédération professionnelle des journalistes du Québec (FPJQ) estime que cette «mise à la porte, présentée officiellement comme un "départ", prend les allures d'une première salve des conservateurs dans leur bataille pour réduire la taille, l'influence et le budget de Radio-Canada». La FPJQ va plus loin et se demande «si les attaques incessantes des conservateurs au pouvoir à Ottawa contre Radio-Canada [...] n'auraient pas un lien avec le départ forcé d'un défenseur de l'indépendance de la société d'État».

De leur côté, les journalistes de Radio-Canada font circuler une lettre pour protester contre le départ de leur patron qu'ils décrivent comme leur «capitaine, un leader qui savait défendre l'intégrité de l'information» et dont la présence, insistent-ils, semble primordiale «à ce moment crucial» de l'histoire de la société d'État. Cette lettre, qui comptait plus de 200 signatures jeudi soir, devrait être remise aujourd'hui au président de Radio-Canada, Hubert Lacroix. «On sait bien que ça ne changera rien, mais on veut exprimer collectivement notre colère et faire savoir qu'on est contre son renvoi», confie une employée de la salle de rédaction qui souhaite garder l'anonymat. «On met à la porte un patron qui avait le respect et la confiance de ses employés. Nous sommes catastrophés», a souligné une autre employée.

Divergence de vues

Le congédiement d'Alain Saulnier, employé de la société d'État depuis 1984 et directeur général de l'information depuis 2006, est la première décision importante de Louis Lalande, nommé il y a un peu plus d'un mois à la vice-présidence de Radio-Canada. Les deux hommes n'avaient manifestement pas la même vision de l'information. «Louis Lalande a décidé de procéder à la transformation de l'information avec une autre personne que moi», a écrit Alain Saulnier dans une missive envoyée à ses employés jeudi. «C'est son droit le plus légitime. Je quitterai donc Radio-Canada le 16 mars prochain. Je regrette de vous laisser dans une telle tourmente, mais sachez que ce n'est pas mon choix.»

Au cours des dernières années, M. Saulnier a supervisé l'intégration des services d'information de la radio et de la télévision. Il est aussi à l'origine de la création d'une unité de journalisme d'enquête avec son collègue Jean Pelletier.

Ovation

De passage dans la salle de rédaction, jeudi après-midi, il a eu droit à une longue ovation. «Du jamais vu ici, raconte une journaliste qui était présente. Les gens sont descendus des autres étages, des patrons, des employés de la radio et des affaires publiques. Tout le monde allait le serrer dans ses bras, c'était très émouvant.»

L'animateur de RDI Michel Viens, en direct au moment où les gens applaudissaient derrière lui, a dû interrompre son émission pour expliquer la situation aux téléspectateurs. «L'annonce de son départ a été un choc pour la grande majorité de mes collègues et je m'inclus là-dedans. [...] Alain Saulnier a fait beaucoup pour le service des nouvelles», a-t-il souligné.

Au Syndicat des communications, on s'est dit surpris de cette décision. «C'est regrettable de l'apprendre de cette façon et à ce moment-ci», observe le président du syndicat, Alex Levasseur. Il rappelle que le départ d'Alain Saulnier n'est pas le premier. «Il y a eu Sylvain Lafrance ainsi que la vice-présidente au capital humain, Katya Laviolette, et le vice-président du réseau anglais. Visiblement, il y a des gens qui souhaitent faire de la place autour d'eux.» Pour sa part, l'animateur de l'émission Enquête, Alain Gravel, dit souhaiter «que la personne qui le remplacera [...] donnera le même appui» aux journalistes.

«J'ai toujours milité pour une information de grande qualité, écrit Alain Saulnier. Tous les sujets doivent être traités, mais à notre manière, comme un service public se doit de le faire. À quoi servirait un service public d'information s'il faisait les choses comme les autres?»