De passage à Montréal pour l'inauguration du Huffington Post Québec, la semaine dernière, Arianna Huffington en a profité pour exposer sa vision, disons, novatrice des nouveaux médias. La femme d'affaires américaine a en effet une conception bien différente des médias traditionnels. On peut sans hésiter parler de choc des cultures. «Nous sommes à l'ère de la conversation, a-t-elle expliqué. Les gens ont des opinions et veulent les exprimer. Nous leur offrons une plateforme pour le faire.»

Les plus belles plumes, ou les plus connues, peuvent donc s'exprimer dans un blogue qui, selon Mme Huffington, n'est pas une production journalistique, mais plutôt un tweet de plusieurs centaines de caractères. Les gens peuvent aussi commenter les nouvelles et les blogues diffusés sur Huffington Post.

Dans les dernières semaines, la version américaine du site a comptabilisé six millions de commentaires. On n'appelle plus cela une conversation, c'est une véritable cacophonie. Selon Mme Huffington, les médias doivent donner une voix à ceux qui ne réussissent pas à se faire entendre. «Les journalistes font désormais partie de l'élite et se sont éloignés de la réalité de la rue, des gens ordinaires. D'où l'importance d'aller à la rencontre de la population pour écouter ce qu'elle a à raconter.»

Dans le même souffle, la patronne de Huffington Post réitère l'importance du journalisme traditionnel. «Au Huffington Post, nous faisons de plus en plus de choses comme les médias traditionnels, de longues séries, de l'enquête journalistique, etc.» Elle croit aussi que les journalistes sont importants pour synthétiser et faire le tri dans l'information.

Dans la vision de Mme Huffington, les réseaux sociaux jouent évidemment un rôle important. Selon elle, les gens ne veulent plus se faire imposer les nouvelles d'en haut (le haut étant les institutions, les journalistes, les médias traditionnels). Ils font davantage confiance à leurs amis pour leur dire que lire, que regarder, etc. «Trust is the new black», lance celle qui a l'habitude des formules-choc.

Dans ce nouveau monde d'hyperconnectivité et de partage, Mme Huffington affirme aussi que la concurrence entre médias est chose du passé. «C'est une vieille façon de voir les choses, affirme-t-elle. Quand nous avons lancé le Huffington Post en France, notre manchette était une nouvelle du Figaro. Or, nous sommes partenaires avec Le Monde. Les gens ont froncé les sourcils en disant: "Quoi, on va faire la promotion du compétiteur?" Moi, je ne vois pas les choses ainsi. Avant, on voyait les choses en termes de concurrence et de survie. Aujourd'hui, c'est la collaboration et le sens qui priment. L'approche n'est plus la même.»

La patronne du Huffington Post sort également sa hache lorsqu'il est question de la sacro-sainte objectivité. Quand les journalistes l'ont interrogée sur le biais potentiel de certains blogueurs du Huffington Post, elle a rétorqué: «Quoi, vous ne voulez pas connaître le point de vue de celui que vous lisez? Dans les nouveaux médias, tout est transparent. Tout le monde déclare ses intérêts, il n'y a donc plus de conflit d'intérêts...»

Géniale pour certains, tordue pour d'autres, la vision des nouveaux médias d'Arianna Huffington va-t-elle devenir la norme? Le temps le dira.