De passage à Montréal pour lancer officiellement la version québécoise du portail d'information Huffington Post, hier, la femme d'affaires et commentatrice politique Arianna Huffington a dû répondre à plusieurs questions concernant les commentateurs qui blogueront sans rémunération sur son site. «Le blogue n'a rien à voir avec le journalisme professionnel, a-t-elle insisté, c'est l'expression de soi.»

Tout le monde ne partage pas cet avis. Rappelons que plusieurs personnalités québécoises pressenties pour publier un blogue sur Huffington Post Québec ont changé d'avis après qu'un débat eut éclaté sur l'importance d'accorder une valeur au travail d'écriture.

Un recours collectif

En France, plusieurs voix se sont élevées pour dénoncer l'approche du Huffington Post alors qu'en avril dernier, aux États-Unis, un groupe de blogueurs a déposé une requête en recours collectif à la suite de la vente de Huffington Post au géant America Online (AOL) pour la rondelette somme de 315 millions de dollars US. «Les blogueurs de Huffington Post sont les esclaves des temps modernes sur la plantation d'Arianna Huffington», a déclaré à l'époque un des blogueurs, Jonathan Tasini.

Mais Mme Huffington balaie ce type d'argument d'un revers de main et estime que ceux qui demandent à être payés pour bloguer n'ont rien compris aux nouveaux médias. «Tout est une affaire de conversation, a-t-elle expliqué hier. Je vous invite à vous exprimer et, en échange, je vous offre une plateforme et beaucoup de visibilité pour exposer vos idées.»

En entrevue à La Presse, Mme Huffington a ajouté que «les textes n'appartiennent pas à Huffington Post, ils sont la propriété des blogueurs qui peuvent les publier ailleurs si ça leur chante». Par contre, la femme d'affaires tient à faire la distinction entre journalistes et blogueurs. «Nos journalistes sont payés et bien payés, affirme-t-elle, ajoutant qu'elle a créé 170 postes permanents au sein de Huffington Post États-Unis depuis qu'il est dans le giron d'AOL. Je crois que les journalistes professionnels seront plus importants que jamais à l'avenir. Nous avons besoin d'eux à titre d'organisateurs de l'information, pour faire le tri, et pour écrire de longs reportages qui sont revenus au goût du jour depuis l'arrivée des tablettes électroniques. Par exemple, au Huffington Post, nous lançons une grande série sur la pauvreté en Amérique, série à laquelle participent une trentaine de journalistes.»

Jusqu'ici toutefois, Huffington Post est moins connu pour ses longs reportages que pour ses titres accrocheurs et ses nouveaux chocs. La formule plaira-t-elle aux Québécois? À suivre. Pour l'instant, Huffington Post Québec compte sept employés, dont quatre permanents, qui doivent alimenter le site avec des reportages originaux et des nouvelles (traduites au besoin) provenant d'autres médias.

L'Espagne, l'Italie...

Le Huffington Post publiera aussi des textes en provenance des sites cousins dans le monde auxquels vont s'ajouter sous peu une version espagnole (en collaboration avec El País) et une italienne (avec le groupe de presse Espresso). Arianna Huffington est également en négociations avec le Japon, la Grèce, l'Allemagne et le Brésil afin de lancer de nouveaux portails et songe à un partenariat avec Al-Jazira pour le poste de télé qu'Huffington Post lancera en juin prochain. Aux États-Unis, Huffington Post a attiré quatre fois plus de visiteurs que le site du New York Times au cours des quatre derniers mois et les dirigeants se disent très satisfaits de la version canadienne-anglaise lancée en mai dernier (même s'ils refusent de dévoiler des statistiques de fréquentation).