Quelle ironie qu'un film consacré à Tintin sorte sur nos écrans en 2011. Le jeune reporter, qui a inspiré quelques carrières journalistiques, incarne une façon de pratiquer le journalisme qui n'existe plus.

En effet, l'année qui s'achève a été marquée par plusieurs événements qui ont complètement transformé la pratique journalistique. Le reporter est de moins en moins solitaire sur le terrain, et même devant son ordinateur. Son travail se transforme. Il évolue dans une communauté qui le critique, le nourrit et enrichit son travail, alors que Tintin (qu'on ne voyait pas beaucoup travailler, soit dit en passant) était un enquêteur solitaire qui n'avait aucune interaction avec ses collègues et qui ne mettait jamais les pieds dans une salle de rédaction.

Parmi les bouleversements qui ont marqué 2011, le plus marquant a sans aucun doute été le printemps arabe. Cette révolution a mis en lumière la participation citoyenne au travail journalistique par l'entremise de Twitter, des blogues et de Facebook. Tous les grands médias, du New York Times à Al-Jazira en passant par la BBC et The Guardian, ont travaillé en collaboration avec les gens sur le terrain (deux mots-clés à l'oeuvre ici: curation et crowdsourcing). Les médias sociaux n'ont pas «fait» la révolution arabe, mais sans eux, la couverture journalistique n'aurait pas été aussi riche et complète.

Un autre exemple: le travail d'Andy Carvin, de NPR, qui est devenu un fil de nouvelles à lui seul en relayant les propos des gens sur le terrain en Tunisie, en Égypte et en Syrie. En l'espace de quelques semaines, il s'est imposé comme le curateur crédible de centaines de sources (le curateur est celui qui fait le tri parmi une foule d'informations, choisit les plus pertinentes et les publie). Andy Carvin n'était pas seulement une courroie de transmission, il vérifiait chaque information avant de la retransmettre. Un travail de titan qui en a inspiré plus d'un.

En 2011, la participation citoyenne à la fabrication de l'information s'est répandue. Parmi les expériences marquantes: iReport, le projet de CNN qui met à contribution le travail des journalistes-citoyens. Ou encore, l'expérience menée par le quotidien britannique The Guardian qui a affiché la liste des nouvelles sur lesquelles les journalistes travaillaient dans la journée, invitant les lecteurs à collaborer, proposer des angles, des références, etc.

Ces deux exemples de participation citoyenne se sont déroulés dans le cadre plus rigide des médias traditionnels. Mais le journalisme-citoyen peut aussi se pratiquer de façon autonome. La multiplication des outils comme Storify, Tumblr et Storyful (Storify permet de raconter une histoire à partir des statuts dans les réseaux sociaux; Tumblr permet de fabriquer son propre blogue; comme Storify, Storyful est un site de journalistes-citoyens qui publient des reportages à partir de statuts publiés dans les réseaux sociaux) a rendu cette activité encore plus accessible pour celui ou celle qui désire être son propre rédacteur en chef.

Bref, 2011 a été une année charnière. Le journalisme tel qu'on le connaît n'est pas mort, loin de là. Mais la pratique journalistique ne sera plus jamais la même. Et si Hergé imaginait Tintin aujourd'hui, le jeune reporter ne se déplacerait jamais sans son téléphone intelligent et, qui sait, retweeterait peut-être les jurons de son vieux comparse le capitaine Haddock.

Les pétards mouillés de 2011

On les annonçait en grandes pompes et leur arrivée allait bouleverser notre petit monde: Sun TV News, QuebecLeaks, la Playbook de RIM, Google ", le Montréal-Matin de Claude J. Charron.

À surveiller en 2012

L'arrivée d'un Huffington Post québécois (la majorité des textes politiques partagés sur Facebook proviennent du Huffington Post). Le site aura-t-il autant d'impact au Québec? Parmi les blogueurs confirmés par le rédacteur en chef, Patrick White: Amir Khadir, Françoise David, Jean Barbe, Normand Baillargeon, Djemila Benhabib, Steven Guilbault). Sans oublier le magazine Nouveau Projet de Nicolas Langelier et la guerre des hebdos.