La création d'un titre de journaliste professionnel a occupé la plus grande partie des échanges, vendredi, lors de la consultation publique sur l'avenir de l'information, à Montréal.

La consultation, menée par la ministre de la Culture et des Communications, Christine St-Pierre, a été lancée à la suite du rapport Payette sur le même sujet, publié en janvier dernier.

Si plusieurs intervenants s'entendent sur l'utilité d'un tel titre de journaliste professionnel, peu s'entendent sur les modalités pour y parvenir, c'est-à-dire qui doit déterminer les critères d'accès à la profession, qui doit émettre les cartes, qui doit traiter des questions déontologiques.

Ainsi, la Fédération professionnelle des journalistes du Québec (FPJQ) a causé une certaine surprise en défendant avec moins de vigueur le titre de journaliste professionnel dont elle avait jusqu'ici fait la promotion.

«On peut réaffirmer la singularité du journalisme de qualité autrement que par le titre, a dit le président de la FPJQ, Brian Myles. Les gens voulaient du titre au départ comme un marqueur identitaire, comme une façon de se distinguer des autres communicateurs. On n'est pas à court d'outils dans un système d'autoréglementation. Et même un système avec un titre ne réglerait pas tout encore. On ne pourrait pas régimenter tout le monde.»

Il a concédé que la FPJQ était tiraillée de toutes parts, puisque plusieurs de ses membres, tout en étant en faveur du concept d'un titre, craignent une emprise accrue de l'État ou l'ajout de structures à celles qui existent déjà ou une diminution du rôle du Conseil de presse, de la FPJQ ou des syndicats de journalistes.

«On voit les difficultés et les embûches, on voit le tiraillement que ça génère dans notre milieu. Toutes sortes de groupes et d'individus veulent d'un titre pour des raisons diamétralement opposées. Moi je ne suis pas capable de défendre auprès de mes membres une nouvelle structure dans un milieu déjà encombré», a prévenu le président de la Fédération des journalistes.

La ministre St-Pierre, qui a elle-même longtemps été journaliste à la radio et à la télévision de Radio-Canada, a tenté de rassurer M. Myles. «L'État n'a pas l'intention de prendre de place dans l'attribution du titre. Ce n'est pas la ministre des Communications qui, à la toute fin du processus, va signer la carte. Il faut qu'il y ait une étanchéité et une parfaite indépendance. Mais il faut aussi que ça suive le test juridique et il est là notre enjeu, notre problème», a-t-elle indiqué.

M. Myles a affirmé que la création d'un titre de journaliste professionnel ne constituait pas une panacée et qu'il s'agissait d'un moyen parmi d'autres pour améliorer l'information, dans un contexte de concentration de la presse, de convergence, de présence de médias sociaux et de différents communicateurs publics.

De son côté, la Fédération nationale des communications (CSN), qui regroupe plusieurs syndicats de journalistes, a affirmé qu'elle ne s'opposait pas au titre de journaliste professionnel, mais croit que «ce n'est pas suffisant pour circonscrire l'ensemble des difficultés que nous rencontrons, en raison notamment de la concentration et de la convergence».

«Ce statut-là, oui, il peut exister, mais il doit nécessairement y avoir renforcement du Conseil de presse», a plaidé sa présidente, Chantale Larouche.

Le Syndicat canadien de la fonction publique (SCFP), qui regroupe plusieurs syndicats des médias de Quebecor, s'est aussi dit en faveur de la création d'un statut de journaliste professionnel pour «les distinguer des autres types de communicateurs employés par les médias».

Il insiste toutefois pour que les médias eux-mêmes soient soumis au même code. «Il faut que les entreprises de presse soient obligées de respecter le même code de déontologie que leurs journalistes», a lancé le secrétaire général Denis Bolduc.

Le SCFP a aussi demandé qu'une loi oblige les entreprises de presse à adhérer à «un Conseil de presse remanié», à commencer par les journaux. Ce nouveau Conseil de presse devrait être un tribunal administratif tripartite ayant les compétences et les moyens requis, a-t-il plaidé.

L'entreprise médiatique Cogeco, de son côté, était plutôt opposée à l'idée d'un tel encadrement. «Bien d'autres industries connaissent également des transformations aussi profondes et inquiétantes que celle des médias. Faut-il pour autant appeler l'État québécois à intervenir directement et spécifiquement dans le secteur de l'information et la pratique du journalisme, au nom d'un modèle de régulation des médias québécois? Selon nous, la réponse devrait être non», a plaidé Yves Mayrand, vice-président du groupe Cogeco.

La consultation se poursuivra lundi à Montréal.