Chaque semaine, Nathalie Collard rencontre une personnalité qui s'est retrouvée au premier plan médiatique et lui pose 10 questions en lien avec la couverture dont elle a été l'objet. La 11e question provient du public. Cette semaine, notre journaliste s'entretient avec Pauline Marois, chef du Parti québécois.

1. Avez-vous de la difficulté à dormir ces jours-ci?

Je dors toujours bien, y compris ces jours-ci, et je ne vous mens pas en disant cela. Je ne prends pas de pilules pour dormir et je dois dire que mon mari est très admiratif à l'égard de ma capacité à bien dormir même en temps de crise. Il le faut si je veux être capable de passer à travers ce que je vis ces temps-ci.

2. Quand vous vous levez le matin, craignez-vous ce que vous allez trouver à la une des journaux?

Certains jours, oui, mais pas tous les jours. Tous les matins, je fais 35 minutes de marche entre 5h30 et 6h30. Quand je suis sur mon tapis roulant, j'ouvre la télévision et quand je suis dans la salle de bains, j'écoute la radio. Je refuse de me mettre la tête dans le sable. Je veux savoir tout ce qu'on dit.

3. Comment expliquer le problème que votre parti entretient avec ses chefs? Peut-on l'expliquer seulement par le fait que vous êtes dans l'opposition ou y a-t-il un problème plus profond, selon vous?

Je crois qu'il y a un problème plus profond qui est lié au fait que mon parti a le projet de faire un pays. Certaines personnes au sein du parti sont impatientes de réaliser ce rêve et quand les choses n'arrivent pas aussi vite qu'elles le souhaitent, elles veulent changer des choses. C'est ce qui explique que les chefs partent les uns après les autres ou qu'ils sont éjectés.

4. Cette semaine, le député Claude Pinard a déclaré que les Québécois n'éliraient pas une femme au poste de premier ministre. Il y a quelques années, vous-même avez reconnu que c'était plus difficile pour les femmes en politique. Le pensez-vous toujours?

Oui, je le pense toujours. Mais je ne suis pas d'accord avec ce qu'a dit le député Claude Pinard. Il a été très malhabile et je suis triste pour lui, car ce n'est pas un méchant homme. Je pense que le Québec est prêt à élire une femme, mais cela dit, il est vrai que nous n'avons pas beaucoup de modèles de pouvoir au féminin au Québec. Il y en a quelques-uns au Canada et sur la scène internationale, mais je suis d'accord avec Janette Bertrand lorsqu'elle dit qu'on impose encore le «double standard» aux femmes.

5. Croyez-vous que votre richesse personnelle, surtout en ces temps d'Occupons Montréal, nuit à votre image?

Comment répondre à cette question... Je voudrais croire que ce n'est pas le cas, mais encore là, vous voyez, on impose le «double standard» aux femmes. Le fait que François Legault soit riche et qu'il ait réussi est un atout alors que pour une femme, l'ambition n'est pas considérée comme une belle qualité. Or, pour faire un pays, il faut réussir, pour réussir, il faut atteindre ses objectifs et pour cela, il faut de l'ambition. Au Québec, ce n'est pas encore une qualité honorable pour une femme. Est-ce que nous avons de la difficulté avec l'ambition au Québec? Peut-être. Nos origines judéo-chrétiennes y sont sûrement pour quelque chose. «Heureux les pauvres, le ciel leur appartient...» Mais bon, il faut espérer que cela va changer.

6. Votre parti est reconnu pour ses «belles-mères», tous ces anciens chefs qui se permettent de faire des critiques. Comment expliquer ce manque de solidarité au sein d'un parti politique?

Je n'ai pas beaucoup de réponses si ce n'est que c'est sans doute le regret de ne pas avoir réussi et de voir que quelqu'un, en l'occurrence moi, essaie une nouvelle stratégie pour y arriver. Cela dit, il y a une belle-mère que j'ai beaucoup aimée cette semaine (rires). J'ai bien aimé la sortie d'André Boisclair mercredi (l'ancien chef du PQ a appuyé Mme Marois). D'ailleurs, quand il est parti, je lui avais promis que je ne serais pas un beau-père.

7. Comment voyez-vous l'arrivée prochaine de la coalition de François Legault?

J'ai hâte qu'il soit sur la glace, on sera alors capable de lui poser des questions. Pour l'instant, on ne connaît pas ses points de vue sur plusieurs questions. Que pense-t-il, par exemple, de la situation forestière? Quelle est sa position en matière d'environnement, de laïcité, quelles sont ses valeurs profondes? On ne le sait pas. Tout comme on ne connaît pas son financement et son équipe. Bref, j'ai bien hâte de pouvoir lui poser des questions.

8. Malgré les déboires du Parti libéral et du premier ministre Jean Charest, ce dernier vous surpasse dans les sondages. Comment expliquez-vous cela?

À cause de la chicane qu'il y a chez nous. En juin dernier, les sondages disaient que nous pouvions faire élire entre 75 et 85 députés. Nous devancions le Parti libéral et j'étais toujours la même personne. Il est certain que la chicane nous a tirés vers le bas et que cela m'a nui à moi aussi.

9. Vous ouvrez la porte à Gilles Duceppe qui, de son côté, affirme qu'il a pleine confiance en vous. On n'y croit pas une seule seconde. Pourquoi une telle mise en scène?

Il a bien dit dimanche dernier qu'il m'appuyait et je lui ai répété à maintes reprises que notre porte lui était ouverte...Vous savez, c'est difficile, ce que M. Duceppe a vécu au cours des derniers mois. Son parti s'est fait éliminer de la carte et il a perdu sa propre circonscription. Je comprends qu'il puisse mettre un certain temps avant de se réengager. Attendez un peu. Je suis convaincue que, comme souverainiste, il peut apporter beaucoup.

10. Dans le contexte actuel, tout le monde se pose la même question: pourquoi continuer?

Parce que j'ai des convictions profondes et aussi parce que - et il faut bien que je m'en accorde le mérite - j'ai réussi à sortir ce parti du trouble dans lequel il était quand je l'ai pris. Quand je suis arrivée, j'ai été honnête, intègre et transparente. Je n'ai pas promis de faire un référendum dès l'élection, mais j'ai dit qu'on ferait un pays par voie référendaire. Nous étions la deuxième opposition, le parti était dans la dèche de 1 million de dollars. Entre 2007 et 2011, j'ai adopté un nouveau programme et depuis 2008, j'ai avec moi une équipe renouvelée avec des gens remarquables et de grande qualité. Je continue aussi parce que je me sens une responsabilité envers les membres, envers mon équipe et mon parti. Et si nous pouvions arrêter toutes ces chicanes, je suis convaincue que je pourrais réussir à mener ce parti au pouvoir.

Q+1 André Cliche @acliche sur Twitter Comment faire pour ramener ce parti à jouer son rôle d'opposition et pour qu'il cesse de perdre son temps sur des enjeux internes?

Je suis très contente qu'on pose cette question et j'espère qu'elle sera entendue par mes collègues. Nous jouons un magnifique rôle d'opposition. Encore jeudi matin, nous avons fait une proposition pour défendre les intérêts du Québec devant Ottawa. Malheureusement, nos efforts et notre travail sont occultés par les chicanes au sein de notre parti. J'espère que le message de votre lecteur sera entendu et qu'il invitera les gens de mon équipe à se ressaisir et à se rappeler pourquoi ils ont été élus au départ.