Le chroniqueur à TVA et ancien politicien, Jean Lapierre, poursuit en diffamation pour 250 000 $ le responsable de l'émission Enquête, à Radio-Canada, pour des propos tenus à son endroit sur l'internet. Dans l'embarras, la société d'État pourrait quant à elle sanctionner son journaliste pour sa sortie sur le réseau social Facebook.

Les déboires de Pierre Sormany, directeur des émissions d'affaires publiques de Radio-Canada, ont débuté au lendemain de l'entrevue accordée par le patron de l'Unité anticollusion, Jacques Duschesneau, à Tout le monde en parle. Dans un message Facebook publié sur le profil public d'une collègue qui s'interrogeait sur l'identité des journalistes accusés d'intimidation par M. Duchesneau, le responsable de l'émission Enquête aurait indiqué qu'il s'agissait de «Jean Lapierre, ancien politicien et animateur-choc de TVA et LCN, mais qui offre aussi ses services-conseils en relations publiques et qui a parmi ses clients nul autre que son "ami" l'entrepreneur Antonio Accurso».

Piqué au vif, Jean Lapierre a déposé vendredi au palais de justice de Montréal une poursuite contre Pierre Sormany. «Quand le mulot sort la tête, je sors la masse!», a lancé le coloré chroniqueur. Il insiste: depuis la fin de sa carrière politique, en 2007, «je suis un travailleur autonome». Ses trois sources de revenus sont: TVA, Cogeco - il intervient dans l'émission de Paul Arcand sur 98,5 FM - et des conférences quand des organisations l'invitent.

Joint hier en fin de journée, M. Sormany s'est refusé à tout commentaire. L'homme, qui enseigne le journalisme depuis 1979 et a écrit un livre-référence dans le domaine, Le métier de journaliste, a indiqué ne pas savoir si Radio-Canada comptait lui imposer des sanctions. Jean Lapierre a pour sa part soutenu à La Presse que la société d'État avait congédié son cadre après qu'il eût informé ses patrons de la poursuite.

Le directeur général de l'information à Radio-Canada, Alain Saulnier, a assuré ne pas avoir l'intention de congédier Pierre Sormany. «Non, absolument pas de congédiement», a-t-il répondu. Questionné sur d'éventuelles sanctions, le patron de l'information de la société d'État a reconnu qu'«il y a des discussions en cours» avec Pierre Sormany, mais s'est refusé à tout commentaire à ce sujet, hier. Le tout devrait être annoncé aujourd'hui.

Jean Lapierre a nié en bloc ce qu'avance Pierre Sormany dans son message qui a été retiré depuis de l'internet. «Si ce n'était pas vrai à 150%, pensez-vous que j'irais m'asseoir dans la boîte pour prêter serment?», a soutenu le chroniqueur, joint hier. L'ancien ministre fédéral a toutefois indiqué qu'il connaissait très bien Tony Accurso. Les deux hommes fréquentent le même restaurant à Montréal, Milos, où ils ont déjà dîné ensemble. «Je tentais de le convaincre de venir à mon émission.» Jacques Duchesneau aurait été témoin de cette rencontre, a indiqué M. Lapierre.

L'animateur ne craint pas que sa poursuite soit interprétée comme un nouvel épisode dans le combat que se livrent TVA (propriété de Quebecor) et Radio-Canada. «Je n'en ai parlé à personne à TVA avant de déposer ma poursuite. Ta réputation, tu ne défends pas ça par procuration. C'est un trou, une cheville!», résume-t-il pour décrire sa décision de poursuivre rapidement.

Pour le représenter en cour, Jean Lapierre a retenu les services de l'avocat Jacques Jeansonne, une grosse pointure qu'ont choisie dans le passé Jean Charest et l'ex-lieutenant gouverneur Lise Thibault.

Pour Lapierre, les commentaires de M. Sormany l'ont «discrédité, et continuent à ce jour à discréditer [sa] réputation au sein de son milieu de travail et aux yeux du public».

Pour l'animateur, de telles accusations valent 200 000 $ en dommages «moraux et économiques», auxquels le juge devrait, suggère-t-il, ajouter 50 000 $ en dommages punitifs.

Cette poursuite intervient alors que le Groupe TVA et le Journal de Montréal ont envoyé, vendredi, une mise en demeure au patron de l'Unité anticollusion (UAC) afin qu'il «cesse de tenir des propos diffamatoires à leur égard». Dans un entretien avec La Presse, Jacques Duchesneau avait accusé les médias de Quebecor d'avoir tenté de l'intimider au cours de son travail, ciblant Paul Laroque, Jean Lapierre et Andrew McIntosh.