Kai Nagata est fauché, n'a plus de travail, plus de maison et galère ces jours-ci à Detroit, où son camion a été dévalisé dimanche soir. Mais il est, dit-il, «plus libre que jamais». À 24 ans, il menait une carrière journalistique promise à un avenir brillant.

Coup de théâtre: le 7 juillet dernier, celui qui, en septembre 2010, avait décroché le «job de rêve» de chef de bureau du réseau CTV à l'Assemblée nationale, à Québec, a démissionné. Le lendemain, il a ouvert un blogue, Freedom 24 (kainagata.com), dans lequel il décrit son malaise à l'égard des médias et de la manière actuelle de faire du journalisme télé.

Succès instantané et coqueluche des utilisateurs de Twitter et de Facebook, son site a reçu 170 000 visiteurs. En entrevue par Skype, le jeune homme raconte les circonstances rapides et subites de sa démission.

«Je venais de produire un reportage sur la journée du déménagement à Montréal. Cette journée-là, je suis devenu une autre personne. Mes émotions ont lâché. Je me suis rendu compte qu'il me fallait trouver une meilleure façon de contribuer à la société civile.»

Dans la première entrée de Freedom 24, un long texte de 3000 mots, Kai Nagata fait le procès du journalisme télévisuel, qu'il juge superficiel, obsédé par les cotes d'écoute et accro aux breaking news. «En télévision, je me suis senti obligé de jouer le rôle de quelqu'un qui n'était pas moi», confie celui qui affirme n'avoir presque pas dormi dans les 72 dernières heures.

Dans Freedom 24, Kai Nagata dénonce le nivellement par le bas qui, selon lui, a contaminé la télévision d'État et entraîne les chaînes privées dans son sillage. «C'est un cercle vicieux qui crée des choses comme le Kate and Will Show», dit le jeune homme, admirateur de Jon Stewart (le seul satiriste d'ici qui trouve grâce à ses yeux est Jean-René Dufort).

«Kai a touché à un nerf sensible. Beaucoup de journalistes réfléchissent comme lui sur l'avenir de la profession. Son blogue contribue à cette réflexion et l'alimente», estime Rhéal Séguin, chroniqueur parlementaire du Globe and Mail et président sortant de la Tribune de la presse. «À 24 ans, ce jeune homme destiné à une brillante carrière exprime les mêmes frustrations que les journalistes d'expérience. Cela démontre à quel point le métier est devenu difficile à pratiquer, en raison de l'emprise idéologique qui se fait sentir.»

Relayée et re-relayée sur Twitter par les Roger Ebert et Margaret Atwood de ce monde, la première entrée du blogue de Kai Nagata a suscité à ce jour plus de 600 commentaires.

«Je suis étonné par cette réaction. Je n'ai vraiment pas voulu heurter ceux qui restent, et je sais que ma décision est influencée par le fait que je n'ai pas d'hypothèque à payer et d'enfants à faire vivre», dit l'ex-journaliste, dont la lettre publique de démission a attiré la sympathie de plusieurs ex-politiciens, commentateurs et même de potentiels mécènes.

La prochaine étape pour Kai Nagata: rentrer chez lui, dans l'Ouest, décrocher et goûter sa nouvelle liberté.