Quand un nouveau patron arrive dans une entreprise, les gens redoutent souvent les changements qui vont suivre sa nomination. Quand Patrick Beauduin est entré à Radio-Canada le 1er décembre dernier, il dit avoir été agréablement surpris par l'ouverture au changement des artisans de la radio.

Le mandat accordé à ce Belge issu du milieu publicitaire était triple: participer à l'évolution de la radio, redéfinir la stratégie numérique sur l'ensemble des plateformes et faire évoluer les contenus. Pas une mince tâche, plutôt un défi que la plupart des radios à travers le monde doivent relever. Les technologies évoluent, la façon de consommer la radio aussi, et les diffuseurs n'ont pas le choix de s'adapter.

Sur papier, le nouveau directeur général de la radio semble avoir passé son premier test, à savoir un début de rénovation des contenus: sa grille estivale, qui fait place à une multitude de nouvelles voix et de concepts d'émissions originaux, est bien accueillie. Il faudra toutefois attendre le 20 juin pour découvrir le résultat en ondes.

«C'est une grille recherche et développement», a expliqué Patrick Beauduin lors du lancement de la programmation d'été, lundi dernier. Dans une entrevue accordée à La Presse en marge de la rencontre de presse, Patrick Beauduin s'est expliqué: «L'écoute et la transparence font partie de ma culture de travail. En arrivant dans cette boîte que je connaissais bien puisque j'ai collaboré à plusieurs émissions, j'ai découvert que la radio de Radio-Canada n'était pas immuable, que je n'avais pas besoin d'aller à l'extérieur pour la rénover car ses artisans débordaient d'idées et de créativité. Les changements que vous voyez et que vous verrez au cours des prochains mois, ils viennent de l'intérieur.»

Patrick Beauduin rappelle toutefois que «l'évolution de la radio sera une évolution lente. Il y aura des réussites, des échecs. Il ne s'agit pas de changer un animateur ou une animatrice, mais bien de changer les contenus. Il faut laisser aux concepts le temps d'évoluer. On a trois mois devant nous cet été et l'évolution se poursuivra à l'automne.»

Un créatif

À la tête de la radio de Radio-Canada, Patrick Beauduin semble comme un poisson dans l'eau. Celui qui se décrit comme un amoureux de la radio publique - «En Belgique, j'écoutais la RTBF et j'écoute Radio-Canada depuis que je suis au Québec.» - est aussi ce qu'on appelle dans le jargon un créatif. Issu du milieu de la publicité où il a entre autres occupé le poste de vice-président créativité au sein de Cossette Communication, il traîne dans son bagage de publicitaire une ouverture et une sensibilité à la créativité que fonctionnaires ou gestionnaires de métier n'ont pas toujours. Ainsi, quand il pense à innover à la radio, tout l'inspire, assure-t-il. «Je n'ai pas une approche monodisciplinaire, l'inspiration peut venir de plusieurs endroits. Je ne regarde pas exclusivement du côté de la radio, tout m'intéresse. Par exemple, récemment, j'ai bien aimé une initiative de la boisson Mountain Dew qui a ajouté un code QR sur ses bouteilles, code qui menait vers une plateforme musicale, une sorte de microradio. J'ai trouvé ça inspirant.»

Patrick Beauduin est également un grand fan de Bande à part, pour son contenu, mais surtout pour son approche de la radio. «Je veux utiliser le talent de Bande à part pour infuser la créativité à la Première Chaîne. Ces gens-là ont une culture de la radio que j'aime beaucoup», affirme-t-il.

Il admire également beaucoup la BBC qui, à son avis, «a compris que le numérique n'est pas une plateforme mais bien une culture».

Un des coups de coeur «personnels» du nouveau patron dans la programmation estivale de la Première Chaîne, c'est L'esprit des lieux, conçu par le musicien Michel Montreuil, une émission de 30 minutes, une rareté à la première chaîne où les formats sont d'au moins une heure. Pourquoi ne trouve-t-on pas plus de diversité dans les formats radiophoniques radio-canadiens, des microémissions de quelques minutes ou encore, des capsules? «Il est difficile d'innover de ce côté, explique Patrick Beauduin. Nous sommes la seule radio à gérer cinq fuseaux horaires. La radio est un média de proximité, mais nous, on doit intégrer la réalité d'un immense pays. Si on développe une émission réseau de 30 minutes, il faut qu'elle puisse s'intégrer dans la programmation régionale de Moncton ou de Vancouver. Ce n'est pas facile, mais on y travaille.»

Plateformes

Professeur à HEC Montréal où il a participé à la création du programme communications-marketing et où il enseigne l'histoire de la consommation et de la publicité, Patrick Beauduin dit s'intéresser «passionnément» à l'évolution des différentes plateformes de diffusion.

«Aujourd'hui, il existe plusieurs couches de consommation, de l'écoute en direct et en différé, sur une radio, un ordinateur ou un téléphone mobile, explique-t-il. Il existe aussi des publics pointus qui peuvent être rejoints par des plateformes différentes. Par exemple, il est possible de penser à développer un magazine de musique électroacoustique contemporaine. Je pense aussi à l'émission Les remarquables oubliés qui est désormais en vente sur iTunes au coût de 1,99$. On peut également créer des magazines pour le iPad. Et lundi prochain, nous annoncerons un nouveau concept dans la consommation de la musique. Les choses évoluent très vite, Apple vient de lancer iCloud, et nous serons nous aussi dans cette mouvance.»

Enfin, impossible de passer sous silence la charge à fond de train des journaux concurrents de La Presse qui se sont plaints à plusieurs reprises cette année de l'omniprésence des journalistes du quotidien à l'antenne de la Première Chaîne. Le nouveau patron a-t-il été sensible à ces chroniques au ton très acrimonieux? «J'ai été chroniqueur pendant 15 ans et cela m'a frappé qu'on devait rouvrir les panels et assurer une diversité, souligne-t-il. Je ne vois pas le besoin d'établir des diktats, il s'agit simplement de faire preuve de curiosité et d'être diversifié. Il faut secouer les choses.»

Quant au départ de Christiane Charette, il laisse un grand vide et c'est sans surprise qu'on apprend que les animateurs se bousculent au portillon pour la remplacer. «La case de 9h à 11h est un créneau majeur, dit Patrick Beauduin, et on fait présentement des pilotes. La personne qui prendra sa place doit être bien dans ses chaussures.»

Patrick Beauduin, lui, semble très confortable dans les siennes.

Les sources de Patrick Beauduin

Le nouveau directeur général de la radio partage avec nous une liste de liens qui, à son avis, valent le détour: > www.markramseymedia.com/blog

> www.nytimes.com/2011/04/10/magazine/mag-10Radiolab-t.html

> sethgodin.typepad.com/seths_blog/2010/12/the-domino-project.html

> sites.radiofrance.fr/franceinter/em/cestlenoir

> www.contagiousmagazine.com/2011/01/ces.php

> www.deezer.com

> www.lemouv.com

> www.influencia.net/fr/archives/etudes.html?actu_id=623

> www.radioink.com/Article.asp?id=2172892

> drumlitmag.com