Les journées de travail sont longues ces temps-ci pour Chantal Machabée. Comme chaque printemps, l'animatrice-journaliste ne manque pas un match de hockey, peu importe l'équipe sur la glace, et lit à peu près tout ce qui s'écrit afin d'être prête à faire des commentaires sur les ondes du Réseau des sports (RDS). Pour les journalistes qui couvrent le hockey, les séries éliminatoires sont l'équivalent d'un marathon. Quand le Canadien joue, la jeune femme travaille six jours sur sept, mais ne s'en plaint jamais. «C'est beaucoup plus amusant quand le Canadien fait les séries, lance-t-elle. Quand Montréal est éliminé, on le sait, les cotes d'écoute baissent, ça devient plus routinier. L'engouement et l'adrénaline ne sont pas là.»

Chantal Machabée est un des piliers de RDS, une des premières chaînes spécialisées à avoir vu le jour au Québec. Elle a participé à la mise en ondes du réseau, en 1989, et se souvient encore des premières secondes d'existence de la station. «C'était en août, on avait travaillé toute la journée pour bâtir la première émission de Sports 30, raconte la journaliste. Deux heures avant l'entrée en ondes, vers 16 h, on a appris la mort du commissaire du baseball, Bartlett Giamatti. On a dû tout réaménager le menu de l'émission.»

Chantal Machabée est tombée dans la marmite du hockey à un très jeune âge. Statisticienne pour le hockey junior à Laval et le AAA à Saint-Laurent, elle a fait ses premiers pas de journaliste sportive dans les pages d'un hebdomadaire. La jeune femme a ensuite travaillé à La Presse Canadienne et à NTR, puis à Radio-Canada à Ottawa, avant d'être embauchée par TVA. «Quand RDS m'a jointe pour lancer la station, je couvrais les Nordiques à Québec, raconte-t-elle. J'avais 24 ans et déjà cinq ans d'expérience.»

On a souvent souligné le fait que Chantal Machabée est l'une des rares femmes à s'être illustrées dans le monde du sport. «Lorsque je suis arrivée dans le milieu, nous étions trois, Danielle Rainville, Marie-Josée Turcotte et moi, dit-elle. Quand j'ai débuté, il n'y avait pas de femme. Mon idole, mon modèle, c'était Richard Garneau.»

Une rareté

Vingt-deux ans plus tard, force est de constater que les femmes sont encore rares dans l'univers des sports. Une poignée seulement est affectée au hockey et certains sports sont encore couverts exclusivement par des hommes. «Ce n'est pas un métier facile, reconnaît Chantal Machabée. On travaille six jours sur sept et on n'a pas une grosse vie sociale. Moi, je regarde tous les matchs et quand je suis en vacances dans le Sud, sur mon ordinateur portable. C'est certain que lorsqu'on est une fille, on ne veut surtout pas se faire prendre en défaut dans ce milieu-là, alors on travaille fort. Mais je me dis toujours: si tu veux être curé, il faut travailler le dimanche... Disons qu'il faut être passionnée et avoir une santé de fer.»

Comment expliquer qu'il y ait encore si peu de femmes journalistes sportives au Québec? «Aux États-Unis, on voit beaucoup plus de filles et pas seulement au hockey, observe Chantal Machabée. Il y a des filles au basketball, au football. On dirait que les Américains sont plus ouverts à ça. Ici, sur 100 journalistes, on va trouver une dizaine de filles seulement. À l'écrit, c'est encore plus frappant, c'est vraiment une chasse gardée masculine, c'est encore très fermé.»

Selon la journaliste, la fermeture vient davantage des autres journalistes que des athlètes eux-mêmes. «Si la question est bonne, le joueur se fout pas mal de savoir si c'est un gars ou une fille qui l'a posée, affirme-t-elle. Par contre, les journalistes masculins, entre eux, peuvent être très fermés à l'arrivée d'une fille. Ils se tiennent entre eux, sortent ensemble, organisent des soupers, des pools. Ce n'est pas toujours évident de se tailler une place et de se faire respecter.»

Médias sociaux

Chantal Machabée admet que c'est beaucoup grâce à l'humour qu'elle a pu faire son chemin dans ce milieu très «gars». «C'est la meilleure façon de désamorcer les commentaires plates, machos ou sexistes, souligne-t-elle. Et j'ai la réplique facile.»

Si l'arrivée de l'internet et des médias sociaux a grandement facilité son travail (fini le temps où il fallait appeler à la LNH, ou encore, feuilleter les livres des records pour retrouver une statistique), elle la rend aussi plus vulnérable aux attaques personnelles, voire parfois au harcèlement. «Avec Twitter, Facebook et les courriels, je dirais que je reçois environ 300 messages par jour, lance la journaliste. Ça peut me prendre jusqu'à un mois avant de répondre à tout le monde, mais je réponds.» Parmi les messages reçus, plusieurs proviennent de jeunes filles qui souhaiteraient suivre ses traces. «Ce que je dis aux filles, c'est de s'intéresser à tous les sports et pas seulement au hockey. Il faut élargir ses horizons, s'intéresser au golf, au basket, à la boxe...»

Lorsque les séries éliminatoires se termineront, la journaliste entamera ses vacances qui la mèneront jusqu'au camp d'entraînement du Canadien, à la fin de l'été. Mère de deux adolescents mordus de sport comme elle et joueurs de hockey de surcroît, Chantal Machabée passe souvent ses journées de congé... à l'aréna. «Je dis toujours à mes fils que de tous les sports que je vois dans une année, c'est les regarder jouer au hockey que je préfère par-dessus tout.»

Les sources de Chantal Machabée

«Tous les matins, je consulte les sites cyberpresse.ca, espn.com, tsn.ca, sportsnet.ca, nhl.com. Comme je suis fan des Penguins, je consulte aussi leur site ainsi que les journaux de Pittsburgh pour avoir des informations de l'intérieur. J'aime aussi le cinéma et je consulte le site de potins perezhilton.com. Sur Twitter, j'aime bien suivre les comptes de Guy A. Lepage (@guyalepage), de mon amie Marie-Annick Boisvert (@marianik1968) et de mon collègue Renaud Lavoie (@renhockey). À la radio, j'écoute Ron Fournier après les matchs (CKAC Sports), c'est un incontournable.»