Dans l'histoire de la revue Relations, fondée par les jésuites en 1941, il y a une première page qui a fait couler beaucoup d'encre. Il s'agit d'un dossier explosif consacré à la silicose, une maladie causée par l'inhalation de poussière d'amiante ou de silice, et qui a fait énormément de ravages chez les mineurs québécois. Ce dossier controversé aura coûté cher au jésuite Jean-d'Auteuil Richard, cofondateur et directeur de la revue au moment de la publication de l'article de 20 pages.

Après avoir fait l'objet de pressions soutenues et de menaces de poursuites de la part des sociétés minières installées au Québec - parmi lesquelles la Noranda Mines -, le jésuite a dû quitter la revue et s'exiler à Sudbury, en Ontario.

«Une des familles propriétaires de mines, les Timmins, était aussi une généreuse donatrice aux oeuvres de la communauté, explique Jean-Claude Ravet, actuel rédacteur en chef du magazine et lui-même ancien franciscain. L'archevêque de Montréal d'alors, Mgr Charbonneau, qui jusque-là avait résisté aux pressions, aura finalement cédé et lâché le directeur de la revue.»

Depuis, on ne peut pas dire que Relations ait fait souvent la manchette, mais le magazine peut se vanter d'avoir survécu aux modes et aux crises qui ont bouleversé et transformé la presse écrite.

L'influence de la pensée sociale catholique

La revue Relations, qui célèbre son 70e anniversaire cette année, est en quelque sorte le fruit d'un voyage en France, où ses fondateurs, Jean-d'Auteuil Richard et Jacques Cousineau, ont été fortement influencés par la pensée sociale catholique de l'époque. La revue Esprit, fondée là-bas en 1931, incite les deux jeunes jésuites à fonder une grande revue sociale au Québec.

«C'était la première revue du genre ici, poursuit Jean-Claude Ravet, entré au magazine en 2000 et qui la dirige depuis 2005. Jusque-là, il n'y avait que des revues diocésaines, etc. Relations n'a jamais fait de vagues, mais à certaines époques, à l'intérieur de la communauté jésuite, elle a été considérée comme assez audacieuse. Dans les années 70, par exemple, lorsqu'elle flirtait avec le mouvement marxiste, la théologie de la libération et le socialisme chrétien.»

Tout comme la société québécoise, l'équipe de rédaction de Relations, liée au centre Justice et Foi, a évolué au fil des ans. En 1979, une femme a fait son entrée au comité de rédaction et, en 1982, la revue a nommé sa première rédactrice en chef.

«Jusqu'à tout récemment, il y a toujours eu au moins un jésuite au comité de rédaction, affirme Jean-Claude Ravet. Le dernier est mort il y a peu de temps et, aujourd'hui, le comité est mixte, composé d'hommes et de femmes, de croyants et de non-croyants.»

Un véritable OVNI

Dans les maisons de la presse, au beau milieu des magazines consacrés à la décoration, à la mode et aux tendances, Relations est un objet curieux, un véritable OVNI. On ne verra jamais de vedette à la une - la revue s'est plutôt donné le mandat de prendre le parti des laissés-pour-compte. Ses huit numéros par année abordent des sujets aussi variés que l'écologie, l'éthique, les droits des femmes ou Haïti. «Nous proposons une analyse sociale, une réflexion, note M. Ravet. Depuis notre nouvelle maquette, en 2000, nous reconnaissons également l'importance de l'art dans la critique sociale. On trouve d'ailleurs les signatures de plusieurs artistes dans nos pages: Louise Warren tient la chronique littéraire et Brigitte Haentjens, un carnet. L'an prochain, ce sera au tour de Suzanne Jacob et de Wajdi Mouawad.»

Le plus récent numéro, consacré à l'indignation, a visé juste en abordant un thème on ne peut plus dans l'air du temps. Avec ses 2000 abonnés et une communauté jésuite vieillissante, Relations doit renouveler son lectorat. La revue s'apprête à rafraîchir son site web et fera même son entrée sur Facebook.

«On fait face aux mêmes défis que les autres magazines, il faut attirer de nouveaux publics, note le rédacteur en chef. Depuis quelques années, on a vu de nouveaux lecteurs plus jeunes, de gauche, dans la mouvance altermondialiste. Il y a un public pour des publications comme la nôtre.»

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Le site web de Relations: www.revuerelations.qc.ca. Pour en savoir plus sur le dossier consacré à la silicose: L'affaire silicose par deux fondateurs de Relations, Suzanne Clavette, Presses de l'Université Laval, 2006.

Le plus récent numéro de Relations intitulé «La force de l'indignation».