Fini les missions à l'étranger pour sauver des journalistes pris en otages. Dès l'automne prochain, l'ancien président de Reporters sans frontières Canada, François Bugingo, sera l'animateur et le rédacteur en chef de la course Évasion autour du monde, calquée sur la défunte et mythique Course autour du monde, dont l'annonce provoque déjà des réactions ainsi que de grandes attentes.

En septembre dernier, alors qu'il était en Mauritanie pour négocier la libération d'un journaliste, François Bugingo a eu la peur de sa vie: «Il y avait des avions dans le ciel, et un représentant d'Al-Qaïda avec qui je négociais a dit: «Si les avions tirent, nous vous tuons tous.» J'ai un gamin de 6 ans, je me suis dit qu'il était temps que j'arrête.»

Le 30 octobre 2010, il a donc quitté la vice-présidence de Reporters sans frontières ainsi que la tête de la section canadienne, qu'il avait lui-même fondée, avec les encouragements de Robert Ménard, alors président.

Né au Congo

Depuis son arrivée au Québec, on peut dire que ce journaliste de 37 ans, né au Congo, ne manque pas de boulot. Il a travaillé dans la plupart des médias (Télé-Québec, Radio-Canada, TV5, Évasion...) en plus de réaliser des films et de publier trois essais. Celui qui a parcouru le monde et couru bien des dangers dit avoir eu le coup de foudre pour le Québec dès son arrivée, en 1997, à cause d'un débat sur... la couleur de la margarine.

«Je ne veux pas être pas méprisant quand je dis ça, assure-t-il. C'est juste que, moi qui viens d'une région du monde où il y a la guerre, je me disais que pas mal de choses étaient réglées, ici, si on parlait de ça. C'est le pacifisme qui m'a séduit.»

Quand François Bugingo ne travaille pas dans les médias, il accepte des contrats de consultant - toujours liés au travail des médias - pour diverses organisations à vocation humanitaire. Récemment, il s'est rendu en Égypte à titre de représentant de la Commission européenne auprès du ministre de l'Intérieur. «J'étais là pour m'assurer de la libre circulation de l'information», explique-t-il. Mardi, il s'est envolé pour Paris, en route vers Abidjan, où il doit aller former les journalistes ivoiriens dans le cadre des activités de l'Institut Panos.

Serait-il hyperactif? «C'est vrai que j'ai peur de m'ennuyer, reconnaît-il. J'ai déjà côtoyé des gens qui étaient installés dans un mauvais confort et qui ont vieilli trop vite. Je ne veux pas que cela m'arrive.»

Nouvelles technologies

Pour l'instant, cela dit, aucun danger d'encroûtement à l'horizon. François Bugingo est gonflé à bloc et estime qu'on traverse une époque passionnante. «Actuellement, l'univers des médias est marqué par la mondialisation de la liberté de parole, observe-t-il. On assiste à un phénomène d'interinfluence qui fait que, grâce aux nouvelles technologies, un jeune Lybien peut communiquer par Twitter avec d'autres jeunes d'ailleurs dans le monde et que tous, malgré leur culture, se comprennent parce qu'ils partagent des valeurs communes. La communication n'est plus réservée à l'élite et je trouve ça formidable.»

C'est pour cette raison, explique le journaliste, que certains éléments du rapport Payette sur l'avenir de l'information au Québec sont discutables à ses yeux. «On a dépassé l'ère du corporatisme. Nul besoin de se réfugier derrière une carte de presse pour exercer son métier. Les gens savent faire la différence entre un journaliste sérieux et la Clique du Plateau. Pour ma part, j'ai observé à plusieurs reprises que la carte de presse peut devenir un outil de contrôle de l'information. Or, ce qui se passe ailleurs peut se passer ici, on le sait. Je trouve très dangereux que, au Québec, on se dise qu'on est différents et que ça ne nous arrivera pas.»

Couverture internationale

François Bugingo a pratiquement fait le tour du monde et compte parmi les journalistes qui comprennent le mieux les enjeux géopolitiques de la planète. Or, contrairement à certains de ses collègues qui lèvent parfois le nez sur la couverture internationale québécoise, l'ancien président de Reporters sans frontières Canada estime que les médias d'ici font un excellent travail. «Ils sont très ouverts sur le monde. Il y a plusieurs façons de couvrir l'information internationale: on peut couvrir les grands événements, mais on peut aussi parler de musique du monde ou encore d'un livre sur les femmes de dictateurs... Les gens qui couvrent l'actualité internationale aiment bien entretenir un certain snobisme, un élitisme, en rendant ça très compliqué alors qu'au fond l'information internationale est quelque chose de très accessible qui intéresse tout le monde.»

Les sources de François Bugingo

À Montréal ou en déplacement, François Bugingo lit Cyberpresse, le site d'information Yahoo!, les magazines Psychologies et Paris Match ainsi que Far Eastern Review, pour ses analyses originales et surprenantes. Il possède une collection impressionnante de numéros du magazine Newsweek (qui vient justement de changer de maquette sous la direction de Tina Brown). Il regarde Al-Jazira et a bien hâte de voir ce que fera la télé arabe lorsque les manifestations atteindront le Qatar. «J'aime également le site de la BBC pour ses portraits ainsi que Le Figaro, pour confronter mes opinions.» À la radio, outre Radio-Canada, il écoute beaucoup France Inter et plus précisément les émissions Là-bas si j'y suis, Et pourtant elle tourne et, pour rire, Le téléphone sonne avec Laurent Baffie. On trouve bien entendu François Bugingo sur Facebook et sur Twitter (@francoisbugingo).