Le gouvernement britannique a donné jeudi son feu vert de principe au rachat complet du bouquet satellitaire BSkyB par News Corp., le groupe du magnat Rupert Murdoch, rallumant aussitôt la colère des médias concurrents qui considèrent cette opération comme une menace majeure.

Après des mois d'hésitations sur un dossier politiquement très sensible, le gouvernement s'est dit satisfait des propositions formulées par News Corp. pour répondre aux craintes concernant le respect du pluralisme des médias avancées par les opposants au projet.

News Corp. s'est engagé à séparer la chaîne d'informations Sky News du reste de BSkyB afin d'en faire une «compagnie indépendante», a expliqué le ministre de la Culture chargé du dossier Jeremy Hunt.

Le bouquet satellitaire garderait près de 40% des parts de cette nouvelle entité, mais News Corp. s'est engagé à ne pas modifier les termes de l'accord pendant 10 ans.

«Je crois que cette proposition peut répondre aux inquiétudes sur le pluralisme des médias», a affirmé M. Hunt, tout en se disant «parfaitement conscient de la controverse entourant ce rachat».

Sa décision définitive doit intervenir le 21 mars, après une consultation publique de 15 jours.

L'opération a déjà reçu le feu vert de la Commission européenne.

News Corp. avait proposé en juin d'acheter pour 7,8 milliards de livres (environ 12,5 milliards de dollars canadiens) les parts lui échappant dans le bouquet satellitaire, une offre qu'il lui faudra sans doute relever face à la montée continue du cours de Bourse.

Le groupe Murdoch possède déjà 39,1% de BSkyB et quatre des principaux journaux du pays (The Sun, News of the World, The Times et The Sunday Times), qui représentent plus du tiers du marché britannique de la presse d'information.

Or ces journaux ont activement soutenu les conservateurs lors des élections de mai qui ont chassé les travaillistes du pouvoir, et M. Murdoch a été reçu à plusieurs reprises depuis par le Premier ministre David Cameron.

L'alliance de médias, qui s'était créée pour mettre en échec le projet et compte de puissants partenaires, a rapidement réagi à l'annonce de M. Hunt.

La dernière proposition de News Corp. «est de la poudre aux yeux», a dénoncé le porte-parole de cette alliance comprenant la BBC, The Guardian, The Daily Telegraph, The Daily Mail et The Daily Mirror, en précisant envisager «tous les recours légaux possibles».

«Un écran de fumée ne suffira pas à protéger la pluralité des médias au Royaume-Uni de l'influence démesurée de News Corp.», a-t-il ajouté.

L'opposition travailliste a critiqué un «accord politique conclu au détriment de l'intérêt public» et souligné que MM. Cameron et Murdoch avaient dîné ensemble en décembre, en plein examen du dossier.

«C'est une mauvaise nouvelle pour la démocratie», a assuré le Syndicat national des Journalistes.

L'Église anglicane elle-même avait fait part de ses inquiétudes.

Les partenaires libéraux-démocrates de la coalition au pouvoir n'avaient pas caché non plus leur fortes réticences, mais ils ont perdu la main après une série de gaffes du ministre du Commerce Vince Cable qui a été écarté du dossier au profit de M. Hunt.

Sa décision définitive doit intervenir le 21 mars, après une consultation de 15 jours. Il pourra confirmer son feu vert ou renvoyer le dossier aux autorités britanniques de la Concurrence, une option qui semble désormais peu probable. L'opération a déjà reçu le feu vert de la Commission européenne.

Avec plus de 10 millions d'abonnés, BSkyB est devenu une formidable machine à profits: son bénéfice a ainsi bondi de 59% à près de 500 millions d'euros pour le seul second semestre 2010.

S'il engrangeait 100% de ces bénéfices, News Corp. bénéficierait d'une puissance financière redoutable face à ses concurrents les plus fragiles.

Selon les experts, le groupe pourrait lier l'offre internet des journaux à l'abonnement BSkyB et imposer ainsi la nouvelle stratégie de M. Murdoch. Celui-ci a rendu payant cet été les sites internet de ses titres emblématiques, The Times et The Sunday Times, en estimant suicidaire le maintien d'une information en ligne gratuite.