De retour en ondes depuis lundi matin sur les ondes du 98,5 FM, Jacques Fabi est un homme comblé. Sans micro depuis l'automne dernier, l'animateur de 57 ans commençait à trouver le temps long. L'appel de Cogeco ne pouvait lui faire davantage plaisir. À ses admirateurs aussi, si on se fie à la pluie de courriels et de commentaires Facebook saluant le retour de celui qu'on appelle le roi de la nuit tellement il est associé à la radio nocturne.

En effet, l'animateur né à Sherbrooke a passé la majeure partie de sa carrière à travailler quand le reste de la population dormait à poings fermés. Au fil des ans, il s'est bâti un auditoire composé de travailleurs de nuit, d'insomniaques et de couche-tard qui appréciaient ses propos et le timbre chaud de sa voix. Pour bien des gens, Jacques Fabi faisait partie d'un rituel comme le verre de lait chaud avant d'aller au lit.

«Pour l'instant, j'anime les grands titres de 4h à 5h30, note l'animateur rencontré dans un café à quelques pas de ses nouveaux studios. Mais c'est clair que le but ultime est de revenir à l'émission de nuit, ce qui devrait se faire sous peu.»

Pour certains, le nom de Jacques Fabi est intimement associé au style radiophonique des années 80 et 90. C'est à cette époque qu'il a vécu deux moments forts de sa carrière: la mort du premier ministre René Lévesque, qu'il a commentée à chaud avec ses auditeurs durant des heures, ainsi que la crise du verglas, alors que le seul contact de bien des gens avec le monde extérieur se résumait à la radio.

Jacques Fabi a rarement manqué de travail. Lorsque Corus (ancien propriétaire du 98,5 et de CKAC) l'a remercié de ses services le printemps dernier (une décision accueillie par des milliers de plaintes), l'animateur s'est trouvé un micro du côté de Radio Boomer (ancienne Radio Nostalgie) avant que la station ne soit vendue. Il a également animé quelques mois à l'antenne de CJMS dont les studios sont situés à Saint-Constant, au sud de Montréal. «Ils avaient un signal de 1000 watts, c'est à peine si je m'entendais moi-même. C'était pathétique et je ne suis pas resté longtemps.»

Bien que Jacques Fabi ait apprécié ses quelques expériences d'animation de jour (sur les ondes de CKAC, il a travaillé aux côtés de Daniel Pinard, Jean Cournoyer, André Arthur...), c'est la nuit qu'il se sent dans son élément.

Après minuit, ce sont les auditeurs qui sont différents. «Les gens ne nous écoutent pas de la même façon, observe l'animateur. Ils ont des écouteurs sur les oreilles, ils sont dans le noir, parfois dans leur lit. La radio n'est plus un bruit de fond, ils nous écoutent vraiment.

«La nuit, poursuit Jacques Fabi, il y a peut-être un agent de sécurité qui est seul à surveiller un édifice et à qui cela fera plaisir d'être salué en ondes. Les policiers, les ambulanciers, les avocats, les médecins, il y en a du monde qui travaille la nuit. Sans compter tous ceux qui ne trouvent pas le sommeil. Je suis très populaire dans les centres d'accueil...»

Jacques Fabi réfute toutefois l'étiquette de freak show qu'on accole souvent aux émissions nocturnes. «La nuit, les gens ont envie de s'exprimer, dit-il. On parle d'actualité: la politique, la corruption, etc. Les soirs plus tranquilles, il faut trouver des sujets qui font réagir. L'aide sociale, ça fonctionne chaque fois... Bien sûr, il y aura toujours des bizarres qui vous appellent pour vous engueuler. Maintenant, dans les studios de radio, lorsqu'un auditeur dérape, on a un bouton qui permet un délai de 15 secondes avant d'entrer en ondes, mais personnellement, j'ai toujours eu le même truc. Je coupe la ligne et j'invoque un problème technique. «Dommage, on a perdu M. Untel. Vous nous rappellerez...»»

Il n'y a pas que l'auditoire qui soit différent la nuit. Le travail n'est pas le même lorsqu'on anime une émission après les heures «normales» de travail. Jacques Fabi anime complètement seul. «La nuit, il n'y a ni recherchistes ni chroniqueurs, explique-t-il. Quant au premier ministre, il n'accordera pas d'entrevue à 3h du matin. Il faut trouver d'autres façons d'aborder l'actualité.»

L'animateur commence donc la préparation de son émission à la maison, l'après-midi, en consultant les sites de nouvelles sur l'internet. «Je me pose souvent la question: comment faisait-on notre travail avant l'internet? C'est tellement utile. Quand j'ai commencé à la radio, il fallait consulter les fils de presse, les téléscripteurs. On en déchirait, du papier...»

Depuis son départ de Corus en mars dernier, Jacques Fabi a également une page Facebook qui lui a permis de garder le contact avec ses auditeurs durant les quelques mois où il était sans micro. «Depuis qu'on a annoncé mon retour à Cogeco, j'ai reçu des tonnes de messages et de demandes d'amitié. C'est bien pratique, Facebook. Là, tout le monde me dit que je devrais aller sur Twitter, mais je n'ai pas le temps. Les choses ont beaucoup changé depuis mes débuts à la radio. Mais le genre d'émissions que je fais, ça, ça n'a pas changé.»

Les sources de Jacques Fabi

«Étrangement, je n'écoute pas beaucoup la radio. J'écoute Paul Arcand le matin. Je trouve qu'il a exactement compris ce que les gens recherchaient dans une émission matinale. Puis parfois, j'écoute Ron Fournier le soir avant de me coucher. C'est tout un personnage...» confie l'animateur qui consulte beaucoup les sites de nouvelles comme Cyberpresse, Le Point, le site de l'Agence France-Presse (AFP) ainsi que le site de Paris Match. «J'écoute de moins en moins les nouvelles à la télévision, mais depuis que j'ai un iPad, je regarde beaucoup d'émissions sur tou.tv.»