Tous les journalistes vous le diront: au cinéma, les reporters sont presque toujours décrits sous les traits des personnages caricaturaux. Insistants au point d'être agressifs, superficiels, parfois carrément imbéciles, on les dépeint souvent à grands coups de stéréotypes et de clichés.

Heureusement, la cinématographie occidentale comporte aussi quelques films qui présentent les journalistes sous un jour plus réaliste.

Le critique cinéma du Devoir André Lavoie a donc convaincu la Cinémathèque québécoise de consacrer une rétrospective au quatrième pouvoir, question de présenter plusieurs facettes de ce métier somme toute fascinant. L'occasion était d'autant plus justifiée que le journalisme vient de vivre une très belle année avec toutes ces enquêtes sur la corruption dans l'industrie de la construction. On peut dire sans se tromper que l'intérêt du public pour le travail journalistique s'est accru au cours de la dernière année.

La rétrospective qui commence ce soir présentera donc 12 films qui traitent tous, d'une façon ou d'une autre, de journalisme.

«J'avais une petite idée des films que je voulais présenter, mais j'ai également fait appel à la FPJQ et à l'AJIQ afin qu'ils me suggèrent des titres», explique André Lavoie, qui est également recherchiste archives à l'émission Les enfants de la télé.

«Plusieurs critères ont dicté mes choix. Tout d'abord, il fallait que le film soit disponible sur bobine. Ensuite, il y avait des impératifs financiers, on ne pouvait pas payer 5000 $ pour une copie. On s'est donc retrouvé avec une majorité de films en provenance des États-Unis», explique-t-il.

Le cinéma américain s'est beaucoup intéressé au journalisme, rappelle le critique. «Dans les films américains, on assimile le journaliste à l'enquêteur ou au détective. Il participe à la construction du mythe qui veut que les États-Unis soient une terre de liberté où règnent démocratie et transparence.»

Watergate

Parmi les titres qui seront présentés au cours des prochains jours à la Cinémathèque, on retrouve bien entendu le classique All the President's Men, mettant en vedette le duo Woodward et Bernstein et leur formidable enquête à l'origine du scandale du Watergate. Un film important pour tous ceux qui ont rêvé de suivre les traces de Judith Jasmin. Cela dit, il ne s'agit pas d'un hommage mais bien d'un exercice de découverte. André Lavoie a donc pris soin de choisir des films qui montrent plusieurs facettes du métier, y compris ses aspects moins glorieux. Dans Shattered Glass, par exemple, on raconte le plagiat du jeune Stephen Glass au magazine New Republic.

Dans Rien sur Robert, le critique cinéma incarné par Fabrice Luchini est lui aussi coupable de plagiat. Dans Windigo, de Robert Morin, on peut entendre les réflexions cyniques que se fait le journaliste lorsqu'il travaille. Le film State of Play évoque quant à lui les difficultés financières de la presse écrite. La vie privée, ou son absence, c'est selon, sont également abordées dans quelques films.

«Dans All the President's Men, on constate que les deux journalistes sont de véritables machines, remarque André Lavoie. Ils n'ont pas de vie privée ni de vie intérieure.» Son film préféré, Almost Famous, décrit quant à lui la perte des illusions d'un jeune journaliste très candide face au milieu qu'il rêve de couvrir, la musique rock.

«Je suis tanné qu'on nous montre toujours des journalistes comme des incompétents qui commettent des erreurs, observe M. Lavoie. Quand on les suit, on comprend mieux leurs conditions de travail et on réalise qu'ils sont humains, parfois partiaux. Je voulais montrer un portrait nuancé, pas complaisant. Le corpus de films est loin d'être épuisé», conclut André Lavoie, qui rêve déjà d'un second événement.

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Images de journaliste, Du 12 au 29 janvier, à la Cinémathèque québécoise. André Lavoie animera également une table ronde le vendredi 14 janvier au café-bar de la Cinémathèque.