Dans sa revue de l'année 2010, la firme Influence Communication, qui mesure le poids média de différents sujets et thèmes présents dans l'actualité québécoise, observe que «la place accordée à la cuisine et aux recettes dans les médias a augmenté de 32% pour atteindre 3,64% du contenu des médias cette année».

À ce rythme, toujours selon Influence Communication, la cuisine risque de surpasser les arts et spectacles - qui ont connu une baisse de 6% en 2010 - d'ici deux ans. Au Québec, les arts ont occupé en moyenne 4% de l'espace médiatique en 2010.

Il est vrai que peu importe où on pose les yeux ces temps-ci, il y a un chef ou un livre de recettes pas très loin.

Dans les librairies, on ne compte plus les bouquins consacrés à la cuisine, qui représentent environ le tiers des ventes. À la télévision, à l'exception de RDS et Météomédia, la plupart des chaînes proposent une ou plusieurs émissions consacrées à la bouffe animées par des chefs vedettes ou sur le point de le devenir. Une chaîne spécialisée, Zeste, a même vu le jour cette année. Cette profusion d'émissions de cuisine laisse croire que le Québec est peuplé d'apprentis chefs. Or, les épiceries ne cessent d'agrandir leur espace consacré aux mets préparés, prêts à manger. Trouvez l'erreur...

L'internet n'échappe pas à la mode: on ne compte plus les sites web animés par des «spécialistes de la gastronomie», réels ou autoproclamés, ainsi que par des sommeliers, amateurs et professionnels. Sur Twitter, on peut suivre des dizaines de maniaques qui vous informent de l'ouverture d'une nouvelle boutique gourmande, d'un nouveau resto ou encore du lancement d'un nouveau produit alimentaire sur le marché.

Les iPhone et les iPad ne sont pas épargnés. Chaque semaine voit sa nouvelle application qui propose recettes, bonnes adresses, suggestions de menus pour la semaine. C'est l'avalanche.

On pourrait comparer le phénomène à celui de la décoration il y a quelques années, mais en fait, la tendance bouffe est beaucoup plus forte et risque de durer plus longtemps pour des raisons évidentes: tout le monde doit se nourrir grosso modo trois fois par jour.

Qu'est-ce que cette mode nous dit sur les médias? Que plusieurs d'entre eux se cherchent une utilité, une mission, et qu'ils ont choisi la voie pratico-pratique.

Serait-ce la seule façon de demeurer pertinent dans un univers où la concurrence est féroce et où les médias doivent absolument se trouver un créneau pour espérer survivre? C'est bien possible. En privilégiant des contenus axés sur le style de vie plutôt que sur la culture et les idées, bien des médias se sont trouvé une raison de vivre.

Faut-il s'en inquiéter? Tout dépend. Si la progression de la cuisine dans les médias se fait au détriment d'autres sujets, des arts par exemple, peut-être y a-t-il lieu de se poser des questions. Or, toujours selon Influence Communication, les «arts et spectacles» auraient perdu 65% de leur poids média au cours des cinq dernières années. Est-ce que la recette de poutine au foie gras du chef machin-chouette va déloger la critique du dernier concert de l'Orchestre métropolitain de Montréal ou la plus récente exposition au Musée d'art contemporain? Les médias ne sont-ils pas l'endroit privilégié pour analyser, critiquer et discuter de la création artistique? Sinon, où le fera-t-on?

La nourriture du corps est importante, mais il ne faudrait pas oublier de nourrir l'esprit aussi...

Radio-Canada et Twitter

Les journalistes de Radio-Canada twitteront pendant la prochaine campagne électorale. «On considère les médias sociaux comme de véritables outils d'importance qui devraient d'ailleurs être au coeur de l'action politique et journalistique pendant la prochaine campagne électorale», a confié Alain Saulnier, directeur général de l'information, au blogue du Trente. Le nouveau guide des normes journalistiques de la société d'État rappelle à ses journalistes qu'ils demeurent identifiés à Radio-Canada, sur Twitter comme sur Facebook.

Le journalisme de données

Il y a quelques jours, la section média du quotidien britannique The Guardian a lancé une nouvelle section consacrée aux données statistiques (data journalism) qui représente, selon l'éditeur du journal, une part de plus en plus importante du travail journalistique. Outre le blogue déjà existant, on trouve la donnée du jour, des statistiques gouvernementales ainsi qu'un répertoire par sujet. Une façon très visuelle de comprendre les enjeux. guardian.co.uk/data