Quand les médias traversent une période difficile, ils ont tendance à réduire leur couverture internationale. Envoyer un journaliste en reportage à l'étranger coûte cher. Installer un correspondant permanent encore plus. Au cours des dernières années, des grands médias comme ABC, NBC ou Radio-Canada ont réduit leurs équipes de journalistes à l'étranger, car c'est une dépense qu'ils ne pouvaient plus se permettre. Comment continuer à offrir une couverture digne de ce nom malgré les restrictions budgétaires? C'est une des questions abordées dans un rapport très intéressant au titre provocateur: Are Foreign Correspondents Redundant? (Les correspondants étrangers sont-ils superflus?).

Pilotée par Richard Sambrook, ancien patron du service international de la BBC et chercheur invité au Reuters Institute for the Study of Journalism de l'Université d'Oxford, cette étude d'une centaine de pages offre un tour d'horizon de la situation actuelle ainsi que de nombreuses pistes de solution afin que le public puisse avoir accès à une information internationale complète et de qualité.

Premier constat: quand on parle de la crise des médias, on parle de l'Occident seulement. Ailleurs dans le monde - en Chine, en Inde, en Afrique -, les médias sont en expansion. Les journalistes américains ou canadiens n'ont rien à envier aux journalistes chinois qui sont privés du principe de liberté de la presse, mais ils pourraient être jaloux des budgets mis à leur disposition: plus de 7 milliards de dollars investis dans les médias chinois en 2009 seulement.

La situation est bien différente ici et pour pouvoir continuer à offrir une couverture internationale digne de ce nom, les médias vont devoir complètement changer leur façon de faire.

Toujours selon l'étude, le travail du correspondant sera complètement transformé. «Les journalistes vont devoir bâtir des relations avec les gens sur place, créer davantage de réseaux», souligne l'auteur de l'étude joint à Londres par La Presse. «Jusqu'ici, le journaliste à l'étranger travaillait plutôt en solitaire, il comptait sur une douzaine de sources et il avait une ou deux heures de tombée par jour. La situation sera bien différente à l'avenir, étant donné que le cycle des nouvelles dure 24 heures sur 24, 7 jours sur 7. Sans compter que le nombre de sources disponibles a également explosé et que les journalistes peuvent compter sur l'internet pour creuser un sujet ainsi que sur les médias sociaux pour prendre le pouls d'une région, d'une ville ou d'un village.»

Un des exemples cités dans l'étude, celui de la BBC qui a fourni des téléphones cellulaires à des villageois du nord du Nigeria. Dans chaque village, une personne a été désignée comme étant le «gardien du téléphone cellulaire» avec qui la BBC peut communiquer pour savoir ce qui se passe dans la région. C'est le genre d'initiatives que les médias traditionnels doivent mettre de l'avant.

Autre exemple cité dans l'étude de M. Sambrook: durant la crise en Iran, le correspondant du New York Times s'est fié à au moins 12 sources pour rédiger ses comptes rendus et c'est sans compter les informations provenant des médias sociaux qu'il filtrait avant de les présenter à ses lecteurs. Dans ce contexte, les médias sociaux ne sont donc pas des substituts, mais bien une source supplémentaire qui, lorsqu'elle est vérifiée, enrichit la couverture journalistique.

Enfin, le rapport de l'Institut Reuters aborde la question de l'intérêt du public pour les nouvelles en provenance de l'étranger. Une des explications possibles: jusqu'ici, la couverture internationale s'est toujours collée aux intérêts des gouvernements comme le commerce, les conflits, les catastrophes naturelles... Selon l'auteur, il est temps de s'intéresser aux sujets qui touchent la vie quotidienne des gens, d'être à leur écoute, en quelque sorte, en particulier dans un contexte multiculturel où les citoyens sont branchés sur leur pays d'origine grâce à l'internet. Dans ce contexte, la notion d'étranger prend une tout autre connotation. Si les médias traditionnels ne veulent pas paraître comme étant les moins bien informés sur une situation donnée, ils doivent se brancher à la source.

«Le reportage de première main sera toujours nécessaire, souligne M. Sambrook, nous ne disons pas qu'il ne faut plus envoyer des journalistes sur le terrain. C'est la façon de travailler qui va changer. Il faudra être plus flexible. Avant, le correspondant était un être compétitif et individualiste. Il devra désormais apprendre à travailler en équipe.»

S'informer autrement

Si vous êtes avide d'informations internationales, l'étude de Richard Sambrook regorge de sites internet spécialisés. Certains sont des plateformes alimentées par des journalistes citoyens, d'autres sont des agrégateurs qui vous permettent de voir en temps réel les statistiques sous forme de graphiques ou de schémas liés à des sujets d'actualité dans une région donnée grâce à la comptabilisation de courriels, SMS, liens Twitter, etc. Parmi ces sites, on trouve groundreport.com, allAfrica.com, afrigator.com. Pour des nouvelles en provenance d'Iran, on peut consulter le Tehran Bureau sur le site de PBS (pbs.org). Enfin, pour consulter l'étude, on se rend sur le site suivant: https://reutersinstitute.politics.ox.ac.uk