Ce n'est pas tout le monde qui aime le style de Dutrizac l'après-midi, sur les ondes du 98,5 FM. Grande gueule pour les uns, trop agressif pour les autres, Benoît Dutrizac a un style à mi-chemin entre ceux de Paul Arcand et de Gilles Proulx, à qui il succède.

Il ne s'en cache pas, il est souvent révolté par les décisions de nos dirigeants: «Je suis un citoyen, j'ai des enfants, et quand quelque chose ne tourne pas rond, j'ai la chance de pouvoir le dire en ondes et d'appeler un ministre de temps en temps pour lui dire que ça n'a pas d'allure, lance-t-il. Est-ce que je suis en colère? Moins qu'avant. Mais il y a des fois ou y a «un boutte à toute», c'est juste trop! Prends la commission Bastarache. Dans d'autres pays, des gens seraient passés par les armes. Je ne veux pas faire du Québec bashing, mais je trouve qu'on est tolérants et ramollis.»

Journaliste ou provocateur, Benoît Dutrizac? «Je fais une job d'information mais aussi de commentaire, affirme l'animateur. Disons que je fais de la radio personnalisée. Quand j'avais 20 ans, j'ai lu L'oeuvre de Dieu, la part du diable, de John Irving. Le personnage principal affirmait qu'il voulait être utile dans la société. Ça m'est resté. Moi aussi, je veux être utile. Ma hantise, c'est de parler avant de penser. Mais je suis conscient que lorsqu'on est en ondes trois heures par jour, cinq fois par semaine, ça peut arriver.»

L'ex-Franc-tireur vient d'entamer sa troisième saison au micro de l'émission du midi, un micro réchauffé durant quelques années par Gilles Proulx. Dutrizac craint-il les comparaisons? «Il avait sa culture et sa vision du Québec, note Benoît Dutrizac. Ce ne sont absolument pas les miennes.» Par contre, les deux hommes ont en commun de ne pas ménager leurs invités. Est-ce que cette «réputation» est un obstacle quand vient le temps d'obtenir des entrevues? «On ne peut pas toujours prendre les gens de front et faire des entrevues conflictuelles, nuance l'animateur. Il y a certaines personnes, comme les ministres de la Santé ou de l'Éducation, qui seront en poste longtemps et avec qui il vaut mieux avoir une conversation. J'essaie de le faire sans jamais réaliser d'entrevues complaisantes. Je pense que les gens qui acceptent de venir à mon émission savent qu'il n'y aura pas de coups bas. Je les laisse défendre leur point de vue. Il arrive que leurs réponses n'aient juste pas d'allure. Ma job, c'est de le leur dire.»

Benoît Dutrizac a découvert Twitter, qui est devenu, entre ses mains et celles de ses recherchistes, un formidable outil de persuasion pour les décideurs récalcitrants. «J'utilise Twitter pour expliquer aux gens comment ça fonctionne de l'intérieur, souligne-t-il. Ça me permet de dire: «Regardez ceux qui se défilent.» Les attachés de presse y sont assez sensibles...»

Ses auditeurs les plus jeunes l'ignorent peut-être, mais bien avant de faire de la télé et de la radio, Benoît Dutrizac était écrivain, sous le nom de plume de Billy Bob Dutrizac. C'était à la fin des années 80, et l'auteur de la série Kafka Kalmar signait des papiers enflammés dans l'hebdomadaire Voir. «J'ai de moins en moins de temps pour écrire, avoue-t-il. Pour le faire, il faut que tu embarques dans un univers, qu'il t'habite. Je n'ai plus de place pour me laisser habiter. Et puis la réception de mon dernier livre (Kafka Kalmar: Crois ou crève, en 2008) m'a blessé. On l'a présenté comme si c'était le passe-temps d'un gars de radio. Je n'ai pas aimé ça.»

Aujourd'hui, si l'animateur radio se sent parfaitement heureux derrière un micro, il s'ennuie parfois des possibilités de la télé. «J'aimerais faire un hot seat, ce qui est impossible à la radio, car écouter un animateur qui martèle quelqu'un, c'est insupportable, alors qu'à la télé ça passe très bien. Cela dit, je n'ai aucun projet. Je vis actuellement une liberté que je n'ai jamais connue. Je viens de signer un contrat de deux ans et je compte bien le respecter.»

Les sources de Benoît Dutrizac

Travail oblige, l'animateur de Dutrizac l'après-midi lit tous les quotidiens et consulte la plupart des sites d'information générale. «Avec le temps, j'ai réalisé que mes références sont les reporters qui sont sur le terrain, les André Noël, Fabrice de Pierrebourg et Michèle Ouimet, de La Presse, ou encore Sébastien Ménard, du Journal de Montréal. Ils vont déterrer des affaires et c'est ce qu'il y a de plus précieux et de plus menacé, à l'heure actuelle, en information.» Il appréciait également les qualités d'intervieweuse de Christiane Charette à son émission Cabine C (ARTV) et regarde le bulletin d'information de TVA car «il est très proche de ce qui se passe au Québec». Côté magazines, il lit L'actualité et Québec Science.

Benoît Dutrizac va également puiser du côté des Américains pour s'informer. Il lit Vanity Fair, Esquire, American Scientific et le magazine en ligne Slate. À la télévision, il regarde les émissions d'information du dimanche matin sur ABC, CBS et NBC et demeure fidèle à 60 Minutes même s'il s'ennuie de Mike Wallace et des journalistes de cette génération.

Il est aussi fan de la série Bullshit, animée par le tandem de magiciens Penn and Teller, une émission qu'on pourrait décrire comme un croisement entre J.E. et La facture... sous acide. Sur une note plus légère, il regarde également Diners, Drive-ins and Dives sur les ondes de Food Network.

On peut suivre Benoît Dutrizac sur Twitter: @Dutrizac