Produire de l'information en quantité comme on produit des objets en plastique pour les magasins à un dollar, est-ce cela, l'avenir du journalisme?

Cela vous est sans doute déjà arrivé: à la recherche d'une information, vous allez dans Google et vous tapez une question du genre: comment faire partir une tache de vin rouge? ou qu'est-ce que l'hypoglycémie?

Ce que vous ne savez peut-être pas, c'est qu'il existe des sites internet qui créent des algorithmes à partir de vos questions. Ils produisent ensuite des contenus vers lesquels vous serez dirigés au cours d'une prochaine visite dans un moteur de recherche.

Ces sites se nomment Demand Media, Associated Content, Suite101.com et ils génèrent des milliers de pages web chaque jour. On y trouve toutes sortes d'informations sur des sujets allant de la guerre en Irak à la biographie du colonel Sanders. À l'heure où les grandes salles de nouvelles réduisent leur personnel (surtout aux États-Unis), on craint que ces sites, alimentés par des journalistes sous-payés, deviennent la seule option professionnelle pour bon nombre d'entre eux.

Cette éventualité en fait frémir plusieurs, qui voient d'un très mauvais oeil ces immenses salles de rédaction, virtuelles pour la plupart, qu'on compare aux sweatshops où sont fabriqués des vêtements en série par des travailleurs sous-payés.

On a d'ailleurs rebaptisé ces sites des content farms ou fermes de contenu. Et comme dans l'agriculture de type industriel, c'est la quantité et non la qualité qui semble être le maître mot. Dans un contexte où toutes les entreprises de presse sont à la recherche d'un modèle économique rentable, les fermes de contenus en proposent donc un qui est basé sur la production en masse d'informations payées à moindre coût. Pour plusieurs, ces nouveaux sites représentent donc une forme de déclin du journalisme tel qu'on le connaît. On s'inquiète de la qualité mais aussi des conditions dans lesquelles les rédacteurs pigistes doivent travailler. Dans certains sites, ils disposent de très peu de temps et sont payés au nombre de milliers de pages vues, ce qui revient à quelques sous par texte.

Autre source d'inquiétude: la nature du contenu est générée par l'intérêt des internautes pour tel ou tel sujet. Les plus pessimistes entrevoient donc un avenir sombre pour les journalistes qui pourraient se retrouver à écrire sur les bienfaits du bicarbonate de soude plutôt que de travailler à une véritable enquête. Le quatrième pouvoir pourra-t-il continuer à jouer son rôle de chien de garde dans de telles conditions? Les dirigeants de ces sites, eux, se défendent en affirmant que les mêmes critères que dans les salles de rédaction sont appliqués: contrôle de la qualité et vérification des faits.

Au Québec, on ne trouve pas de sites comparables, mais certains sites ou agences s'en approchent. L'agence QMI, par exemple, se décrit comme un «grossiste en information». Dans une récente entrevue accordée à l'émission Salut Bonjour!, un des chefs de nouvelles, Pierre Tremblay, a expliqué comment la quarantaine d'employés produisent de l'information qui peut être reprise par les différentes composantes de Quebecor Media. On est encore loin de la production de masse destinée à être retransmise par les moteurs de recherche, mais on s'approche tout de même d'une production de l'information dépersonnalisée et formatée. Dans ce cas, on parle moins de journalisme que de production de contenus. Cette vision de l'information menace-t-elle le journalisme comme certains le prétendent? Tout dépend. Il ne faudrait pas que cette production massive d'information à moindre coût ne décourage les entreprises de presse de continuer à produire des enquêtes fouillées qui exigent temps et argent.

Pour en savoir plus...

Sur les fermes de contenu: entrevue du professeur de journalisme Jay Rosen avec le PDG de Demand Media sur le site readwriteweb.com. Aussi, une excellente série de reportages de Mediashift (PBS) sur le phénomène des fermes de contenu: pbs.org/mediashift

Le Web est mort

«The Web is dead», peut-on lire à la une du numéro de septembre du magazine Wired, actuellement en kiosque. Ce n'est pas la première ni la dernière mort annoncée. On y apprend entre autres que de plus en plus de gens accèdent à des contenus «à l'extérieur» de l'internet, grâce aux milliers d'applications offertes, aux agrégateurs et aux podcasts, pour ne nommer que ceux-là.

À lire sur papier ou sur le site du magazine : wired.com

Un texte par jour

Le lancement de la tablette numérique (iPad ou autres) aurait réconcilié les lecteurs avec les textes plus longs, les dossiers plus fouillés, apprenait-on récemment dans The Guardian. À nous les longues tartines du New Yorker et du National Geographic. Je vous propose deux liens: @Ifyouonly (sur Twitter) et theawl.com (@Awl sur Twitter) qui vous suggèrent quotidiennement des textes (de langue anglaise, faut-il préciser) provenant d'un peu partout dans le monde.