L'écrivain William Boyd et James Bond incarnent chacun dans leur genre la quintessence de l'esprit britannique, ce qui donne un éclat tout particulier aux énièmes aventures de 007 dévoilées mercredi à Londres, dans lequel l'auteur à succès réinvente l'agent au service de sa Majesté.

C'est au Dorchester Hotel de Londres que commence l'action du nouveau Bond. Et c'est dans le même palace à la flamboyance coloniale que William Boyd a présenté Solo mercredi avant d'en confier sept exemplaires signés à autant d'hôtesses de l'air, pour les acheminer, à bord de splendides bolides Benson, vers Heathrow et, au-delà, le monde.

Cette mise en scène grandiloquente lance un roman qui est censé donner un nouveau souffle à une série littéraire parfois fatiguée, dans l'ombre écrasante des films sur 007.

Depuis les quatorze volets du créateur de Bond, Ian Fleming, décédé en 1964, sept auteurs ont accouché avec plus ou moins de bonheur de 26 aventures qui, malgré plus de 100 millions d'exemplaires vendus dans le monde, n'ont que rarement tutoyé les sommets.

Le pénultième roman, Carte blanche par Jeffery Deaver en 2011, a reçu un accueil autrement plus tiède que le dernier film Skyfall, un énorme succès avec Daniel Craig dans le rôle de 007.

«Quand je dis que j'écris la nouvelle aventure de James Bond, les gens me demandent si Daniel Craig va jouer dedans», résume William Boyd.

S'il a relevé le défi c'est qu'on «ne refuse pas James Bond» et aussi parce qu'il est un grand fan de la saga. Au point de faire de Ian Fleming le personnage de l'un de ses précédents romans, après avoir, étudiant, dévoré Bons baisers de Russie à l'internat, en cachette, «après l'extinction des feux avec tout le plaisir lié à la transgression».

Comme à l'accoutumée, Boyd, devenu un auteur planétaire traduit en trente langues, s'est inspiré de son propre parcours pour nourrir la sage de Bond. Né à Accra au Ghana il y a 61 ans, l'auteur d'Un Anglais sous les Tropiques envoie ainsi 007 en Afrique pour une mission à son propre compte. Le Zanzarim, un pays fictif déchiré par la guerre civile, rappelle fortement celle du Biafra à la fin des années 1960.

L'action se situe d'ailleurs en 1969, à un moment où «le monde est en train de changer», ce dont profite l'auteur pour camper un 007 certes vieillissant (45 ans) mais moins «oldschool», c'est-à-dire moins sexiste voire raciste qu'il a pu apparaître parfois.

«Il y a eu un vrai changement au milieu des années 1960, et une personne aussi intelligente que Bond, qui de surcroît vit à Chelsea à côté de King's Road en plein swinging London, ne peut pas ne pas y échapper», explique Boyd.

Moins sexiste? Les ingrédients immortels sont pourtant préservés et dès la page 15, on retrouve 007 dans un café enfumé de Chelsea en train de «commander un autre verre de vin» et d'«admirer les seins aux mamelons délicats de la fille à la table d'à côté».

Boyd, qui a relu tous les romans de Fleming «par ordre chronologique, stylo à la main», se veut incollable sur 007 et présente la particularité d'avoir «écrit des scénarios pour trois James Bond différents», Sean Connery, Pierce Brosnan et Daniel Craig.

Mais il choisirait encore un quatrième acteur, Daniel Day Lewis, pour interpréter 007 dans une adaptation de Solo qui, à en croire l'écrivain, ne verra cependant jamais le jour.

«Solo se déroule en 1969 alors que tous les films de James Bond sont contemporains et s'éloignent de plus en plus des romans de Fleming», tranche Boyd qui n'y voit pas matière à regret.

Car le roman «offre une fabuleuse liberté» par rapport au film, «un monde plein de compromis, de barrières et d'impossibilités».