D'entrée de jeu, ce récit nous fait bondir par le ton presque léger avec lequel il dessine les contours de la gravité. Or, la musique des mots n'est pas ici un refuge contre la violence, elle est comme la main du condamné à mort qui cherche à s'accrocher à la vie.

Roman de la dissolution, celle d'un monde ravagé par la guerre à laquelle renvoie celle du langage, L'ombre des choses à venir dit l'impossible récit d'une vie construite sur la mort. Le narrateur, âgé de 20 ans, essaie de raconter son histoire scandée par des « premièrement », « deuxièmement », qui miment la progression impossible d'une existence intraduisible parce qu'il a fait le « serment de ne plus se souvenir d'aucun nom ». Sa mère est morte durant « l'Annexion » et son père, envoyé au temps de « la Dispersion » dans « La Plantation » au vocable faussement prometteur.

Kossi Efoui, né au Togo et réfugié en France dans les années 80, constate la disparition du sens quand « la question n'est pas de vivre comme si on allait mourir demain, mais de vivre comme si on était déjà mort. Et tout devient possible ».

Noir et sublime, ce roman raconte le travail d'oubli auquel sont condamnés les peuples dont l'histoire raconte leur propre anéantissement.