L'incorrigible romantique fait renaître Fanfan et Alexandre dans Quinze ans après. Comme leur auteur, les personnages ont changé. Lui qui fuyait le quotidien comme la peste chante les louanges des pantoufles; elle ne croit plus à l'amour qui dure toujours. Et Alexandre Jardin dans tout ça? Toujours amoureux, il conjugue amour et quotidien.

La dernière fois que nous avons vu Alexandre Jardin, il s'apprêtait à demander une fois de plus la main de sa compagne, Liberté. Cette fois-ci, Alexandre Jardin porte la bague au doigt: Liberté a finalement dit oui. Plus que jamais, le romantisme s'accorde avec l'engagement, nous raconte-t-il, en nous montrant une photo de son mariage qui s'est déroulé... dans un théâtre!

 

«Je me suis marié dans un théâtre pour contredire Feydeau. C'était plus beau que tout ce que j'ai pu faire au cinéma», dit celui qui, rappelons-le, avait fait valser Sophie Marceau et Vincent Perez dans un décor de cinéma. «On peut faire de son mariage une création authentique, mais avec sincérité. C'était hallucinant! En fait, on peut vivre comme dans les livres.»

Parlez-nous d'un repenti. Alexandre Jardin, qui, à 24 ans, rêvait d'amour en mouvement, de l'autre comme un territoire à conquérir sans cesse, a complètement retourné sa veste. Le voilà qui chante les louanges du couple au quotidien, qui conte aussi comment son éditeur a tout d'abord refusé d'illustrer la couverture par une paire de pantoufles (il a finalement dit oui après le mariage d'Alexandre Jardin).

«Je pensais vraiment que le quotidien tuait l'amour. J'ai fini par m'apercevoir que c'était faux: le problème n'est pas dans le couple, mais dans l'usure de soi. Quand on échoue à un match de tennis, ce n'est pas la faute du tennis! On n'est pas obligés de mal jouer», insiste-t-il.

Attention cependant. Alexandre Jardin voit toujours la vie en rose, mais ne renonce pas pour autant aux surprises ou aux folies qui ont marqué ses romans de jeunesse (Le zèbre, L'île des gauchers). «Les gens sont plus prêts qu'on ne le pense à mettre en scène leur vie», croit-il.

Confessions de lecteurs

Alexandre Jardin assure que sa boîte aux lettres déborde des confessions que des lecteurs lui font de leurs folies. Pas plus tard que cette semaine, une animatrice de radio lui parlait de sa vie sexuelle, côté finances. En Alsace, un métallo lui a aussi offert une pantoufle d'acier pour le remercier des «idées folles» que Jardin a inspirées à son couple.

L'écrivain lui-même raconte les facéties auxquelles il se livre: voler un parfum avec sa femme dans un magasin, pour partir en courant et faire de cet objet une aventure; envoyer, au restaurant, à un couple qui ne se parle pas, une note anonyme destinée à madame et donnant un (faux) rendez-vous galant. «Ça me paraît essentiel d'accepter le jeu: ça vivifie tout.»

La quarantaine bien entamée, Alexandre Jardin répare avec ce Fanfan, acte 2, l'illusion qu'il a créée avec le romantisme de ses livres amoureux. «Ça termine tout mon cycle de romans amoureux. Je ne me vois pas écrire autre chose, ni écrire sur un autre archétype», dit-il.

Exit, donc, le roman amoureux et l'autofiction de ses trois précédents livres. Alexandre Jardin devrait nous apparaître sous une nouvelle identité d'auteur. «L'apprentissage est long: c'est un métier très compliqué. Il faut une vingtaine d'années pour écrire à peu près ce qu'on a envie d'écrire. J'ai fini mes études», annonce-t-il.

Alexandre Jardin devrait revenir dans un style tout à fait inattendu, nous promet-il. «C'est un roman tellement effrayant que je n'ose même pas en parler à mon éditeur. Je meurs d'envie de le faire, c'est très important, mais je ne sais pas si je vais y arriver. Je vais me faire descendre et ce sera peut-être justifié.»

Et ce serait bien l'ultime mue de l'écrivain, passé du roman à l'autofiction tout en reniant ses premières amours.

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Quinze ans après

Alexandre Jardin

Grasset, 354 pages, 29,95$

Alexandre Jardin sera au Salon du livre samedi, de 14h à 16h et de 18h à 20h, ainsi que dimanche, de 12h à 14h.