Édité en Italie en 2007 pour marquer le 50e anniversaire de sa mort, ce court roman de Curzio Malaparte avait été écrit en 1956 et laissé au tiroir. En fait, le manuscrit avait été déposé par l'écrivain chez un producteur de cinéma pour une adaptation (avec Maria Shell, souhaitait-il) qui ne se fit pas. Le voici traduit en français.

Écrit au présent, plus sobre que sa furieuse oeuvre romanesque (Kaputt et La peau), c'est le récit d'une remontée de l'Italie, de la Calabre à Naples, en plein exode des populations désolées, affolées par la défaite à la suite du débarquement des Alliés. Septembre 1943: l'ordonnance du lieutenant d'un groupe de soldats qui craignent l'imminence de ce débarquement jure à son supérieur de ramener son corps, si celui-ci meurt, à sa mère.

Calusio, timide et pudique, accomplit sa tâche, traverse l'Italie en déroute, connaît une femme qui le fascine; elle incarne la résistance farouche des femmes face aux exploitations de toutes sortes. On retrouve là le Malaparte de Les femmes aussi ont perdu la guerre, pièce créée en 1954. Il écrit: "La défaite est une liberté pour les populations misérables." Malaparte, qui passa du fascisme à l'antifascisme, que Mussolini admirait même s'il signa un pamphlet contre le "Duce", fut l'un des grands tempéraments littéraires de son époque.

Il est bon de rappeler que Kurt-Erich Suckert, né d'un père allemand, expliqua ainsi à Mussolini son pseudonyme:"Napoléon s'appelait Bonaparte et il a mal fini, je m'appelle Malaparte et je finirai bien." Son coeur le lâcha à 59 ans.

Le compagnon de voyage

Curzio Malaparte

Traduction de Carole Cavallera

Quai Voltaire, 107 pages