Avec Guillermo Arriaga, à qui l'on doit les scénarios des plus formidables films mexicains des dernières années (la trilogie kaléidoscopique Amores Perros, 21 Grams et Babel), il ne faut s'étonner de rien. Ce type (né en 1958 dans le quartier le plus violent de Mexico) est allumé, c'est un écrivain insurgé autant qu'inspiré, et lorsqu'il prend la plume, qu'il trempe dans l'encre de la rue, c'est un univers de rage et de misère, de violence et de magouilles qui surgit d'elle, cette plume vive qu'il dégaine plus qu'il ne dévisse; c'est de l'écriture qui vise au coeur, qui pointe, qui porte.

Le quartier sud du titre de ce recueil de nouvelles (écrites avant ses scénarios, qu'Alejandro Gonzalez Inarritu a réalisés), c'est celui de son enfance et de son adolescence, quartier violent sis aux abords d'une grande avenue qui traverse la zone sud de la mégapole et qui a pour nom respectable Unidad Modelo, alors que les habitants le nomment Retorno 201. Avec Arriaga, même les morts viennent y faire des virées, comme ce Rogelio qui, ne sachant trop s'il est bel et bien mort ou se refusant à le croire, vient hanter les bars près du cimetière, bavardant tard dans la nuit avec ses potes en train, eux, de devenir soûls morts...

La nouvelle la plus effrayante, la plus "arriagesque" comme cauchemardesque, c'est celle qui ouvre le recueil en coup de poing, l'air de dire: attachez vos ceintures. C'est Lilly. Pauvre Lilly, enfant mongolienne devenue le ballon de foot de ses deux frères et plus encore... Mais je vous laisse découvrir. Dans cet univers urbain plus qu'urbain, Arriaga ne ménage ni ses effets ni ses lecteurs, comme un Truman Capote des quartiers chauds et des crimes commis de sang-froid, petits délits ou grosses bêtises, meurtres sans cause valable dont parfois le bon Dr Del Rio de l'avenue Retorno (un personnage plus que louche qui revient d'une nouvelle à l'autre) verra à effacer les traces en faisant disparaître les corps.

La violence est intérieure, aussi, chez cet Arriaga à l'ironie morbide; c'est celle de "la veuve Diaz" qui n'est pas veuve mais pute, silhouette d'apparence noble qui traverse le quartier deux fois la semaine, s'offrant en échange de pesos pour soigner son cardiaque fini de mari qui a 50 ans de plus qu'elle...

Quatorze nouvelles, 14 histoires de rue, de putes et de bagarres, de faux flics et de malades en tous genres dont le plus orgueilleux est celui qui, content d'avoir une tique incrusté dans son bras, la montre fièrement et va la laisser lui manger tout le corps jusqu'à la pourriture totale, peau violette, la tête seule épargnée jusqu'à ce qu'il crève après avoir empesté tout ce Mexico quartier sud...

Mexico, quartier sud

Guillermo Arriaga traduit par Elena Zayas Phébus 187 pages, 31,95$

***1/2