Deux enfants, deux petites Parisiennes à première vue semblables. Elles vivaient près des Champs-Élysées, quartier bourgeois - chic, s'il en fut -, elles allaient ensemble au cinéma - à cette époque, l'on pouvait voir, dans la file d'attente, Alain Delon lui-même. Ces deux aimables petites personnes se rencontrèrent à l'école primaire du quartier. Toutes deux vêtues à la mode du temps (pantalons interdits, jeans pas même inventés). C'est ainsi que naquit une amitié solide comme le roc. Pourtant, ces deux filles qui deviennent grandes sous nos yeux n'ont rien de commun. L'une, Léa, est active, nerveuse, fantasque, drôle. Exemple: elle dit plus tard à sa copine de surveiller son alimentation, «Trop de verdure nuit à la santé mentale. Il n'y a qu'à voir les vaches, l'air con qu'elles prennent en ruminant...» D'ailleurs, elle voudrait devenir clown... L'autre, Marie, est plutôt du genre posé, discret, introvertie, un peu intello. Elle voudrait devenir psychiatre. (Elle ne verra pas l'air con des vaches.)

Cette Marie, qui est évidemment Marie Nimier, va se poser longtemps la question: comment se fait-il que ces deux filles si différentes se soient rapprochées, soient très vite devenues inséparables, complices, copines, amies, et que cette amitié ait pu durer tant d'années, après tant d'aventures endurées ensemble? Aventures que Léa, bien sûr, a créées par son caractère provoquant. On ira camper toutes les deux, avec la permission des parents... mais c'est pour faire un voyage au LSD, organisé par Léa. Plus tard, après la rencontre d'un homme un peu salaud, Léa se prostituera... Marie la regarde. Et puis, voilà Léa enceinte, un petit garçon naît, Tom... Mère et fils s'installent chez Marie. Voici bientôt Léa en voyage, en Thaïlande, à la recherche sans doute d'autres drogues... Ainsi, les deux amies, engluées l'une à l'autre, suivent leur destin - particulièrement celui de Léa - et ne semblent pouvoir se passer l'une de l'autre. La raison et la déraison.

À la fin, les deux amies d'enfance ont 50 ans. Mères toutes deux, absolument différentes en tout, elles ne se sont pourtant jamais quittées, même si ce fut souvent par lettres et par rencontres improvisées. Elles ont parlé, parlé, surtout Léa, et Marie cherche encore aujourd'hui le pourquoi de cette amitié. Peut-être faudrait-il écrire un livre, puisque Marie est devenue écrivain? C'est une suggestion de Léa: «Si un jour tu t'ennuies, tu pourras toujours écrire un livre sur nous», et, tout en bas de cette lettre, d'une écriture restée enfantine: «Je serai toujours ta Léa, même si cela ne se voit pas.»

Le livre est là, il s'intitule Les inséparables. L'histoire d'une inexplicable amitié. Excellente.

Les inséparables ***1/2

Marie Nimier Gallimard, 264 pages, 32,95$