Il faut un certain courage pour même songer à aborder dans un roman la pédophilie. Nicole Fontaine a fait plus: elle a succombé à la tentation, avec un résultat désolant. Elle s'est inspirée, selon la quatre de couverture, d'une "histoire vraie". Peut-être, mais il en faudrait davantage pour concéder à son roman la moindre vraisemblance.

Voici Olivier, un jeune homme issu de la bourgeoisie, père psychiatre, maison rue Maplewood à Outremont, qui se découvre une mission humanitaire au Sri Lanka. La mission devient vite un prétexte, car il est l'initiateur et l'amant d'un garçon de 11 ans, Arun, sous le regard aimablement complice des parents, des frères et des soeurs. "Je me sens comme un grand frère protecteur", se dit-il. Ah bon.

Alexis se sait et se sent coupable, moins d'avoir abusé d'un enfant du tiers-monde que d'avoir caché sa liaison à la jeune femme avec qui il vit, qu'il dit aimer et qui l'aime, avec qui il fait l'amour sans grande conviction. Pour sortir de l'impasse, si on peut dire, il tente de se suicider. Il devra plutôt se résoudre à être paraplégique, ce qui n'est pas un moindre malheur, mais le goût de vivre le reprend quand il apprend qu'il sera bientôt père. Ouf!

Le pédophile, converti par la force des choses et par le mariage de son amant oriental, raconte une partie de son histoire. Sa mère, Anne, s'occupe d'une bonne partie du reste. Elle est morte? Qu'à cela ne tienne. Dans le lieu improbable où elle se trouve, elle voit tout et elle sait tout, ce qui est arrivé et ce qui arrivera. Entre l'un et l'autre narrateurs, on ne perçoit guère de différence. Olivier: "L'étoile du matin m'accompagne tel un clou de lumière dans le drap tendu du matin." Anne: "... les sirènes de la Sûreté provinciale conjuguées à celles de l'ambulance déchirent le velours du silence, leurs gyrophares éclaboussant ce matin couleur de miel."

Pour ceux qui aiment le genre jolis mots et bons sentiments, ou que les accidents de la route excitent, la table est servie. Pour explorer les zones troubles où se trame la pédophilie, crime et déviance, il faudra aller ailleurs. Olivier ou l'inconsolable chagrin appartient au second rayon de l'édition québécoise, fort encombré, qu'on retrouve dans les collections moins prestigieuses des éditeurs qui en ont une et qui est presque systématiquement en deçà de la littérature. Comme d'autres, Mme Fontaine a été piégée à la fois par son goût d'écrire, qui ne garantit rien, et la légèreté de son éditeur. Cela n'enlève rien à sa hardiesse.

OLIVIER OU L'INCONSOLABLE CHAGRIN

Nicole Fontaine Hurtubise, 164 pages, 18,95$