Il y a 40 ans hier, l'Assemblée législative du Québec adoptait la loi 77 instituant le mariage civil. Après l'éducation et la santé, l'Église catholique perdait son dernier grand fief: plus besoin, pour prendre femme ou mari, d'aller s'agenouiller «au pied de l'autel».

Cet important changement social constitue l'entrée de novembre de Québec 68 - L'année révolution que vient de lancer Benoît Gignac aux Éditions La Presse. Dans ce livre, l'auteur du Destin Johnson, de Fernand Gignac, mon père et de Lucien Rivard - Le caïd au coeur du scandale replace dans leur contexte sociohistorique 12 événements, personnalités ou mouvements qui ont fait de 1968 «l'année pivot qui, en quelque sorte, fut le point culminant de la Révolution tranquille».

 

Année charnière ailleurs en Occident aussi, comme on l'a vu au printemps avec ces dizaines d'articles et de livres commémorant des morts (Robert Kennedy, Martin Luther King), des invasions (les tanks soviétiques au «printemps de Prague»), des soulèvements dont, au premier chef, celui de Mai 68: 40 ans plus tard, la puissante machine éditoriale française continue de nourrir le mythe autant qu'elle s'y nourrit elle-même.

Ici, la «révolte» étudiante avait commencé en janvier avec une «manif» devant le parlement de Québec (qui n'était pas encore l'Assemblée nationale). Et l'année - la première des cégeps - allait se passer sous le signe d'une nouvelle mode importée des États-Unis: le sit-in.

Pour février, Benoît Gignac prend appui sur la fondation de Radio-Québec pour un chapitre intitulé «Un Québec plein d'images», dont celle de la blonde Danielle Ouimet dans le film soft porn Valérie. L'amorce de mars est plus ténue: Henry Morgentaler - «le docteur dont les femmes avaient besoin» - qui, le 19 du mois, «arpente les rues de Montréal» à la recherche d'un local pour y établir sa clinique d'avortement.

Suivent des chapitres sur L'Osstidcho (avril) et le virage musical et culturel que ce «spectacle-événement» a provoqué; la première greffe du coeur au Québec (mai), par le Dr Pierre Grondin, et l'état du génie québécois qui vient de compléter le barrage Manic 5; l'émeute de la Saint-Jean-Baptiste à Montréal (juin) provoquée, selon certains, par la présence de Pierre Elliott Trudeau, qui sera élu premier ministre du Canada le lendemain...

Juillet sera marqué par un événement qui déborde largement les frontières du Québec: la publication de l'encyclique Humanae vitae du pape Paul VI qui interdit la contraception. «C'est incroyable», écrit Benoît Gignac, dans ce style très «humeurs» - combien de pieds de nez aux «bien-pensants»? - qui, dans certaines pages, se conjugue mal aux exigences de l'historiographie.

Août: création des Belles-soeurs de Michel Tremblay. Septembre: manifestations linguistiques à Saint-Léonard. Octobre: fondation du Parti québécois qui sera présidé par René Lévesque. Décembre: découverte des 43e, 44e et 45e bombes du FLQ.

La valeur de Québec 68 - L'année révolution est d'abord et avant tout documentaire: journaux et magazines ont souligné les 10e , 20e ou 30e anniversaire de tel ou tel événement mais, sauf erreur, le tout n'avait pas été rassemblé dans un livre. Les photos des archives de La Presse illustrent on ne peut mieux le propos, et la recherche de l'auteur a été beaucoup plus vaste que ne l'indiquent les sources bibliographiques.

L'ouvrage, toutefois, souffre de son approche à l'emporte-pièce - un «grand libérateur des peuples», Che Guevara? - et des erreurs ou imprécisions factuelles, certaines imputables au fait que l'auteur n'avait que 13 ans en 1968... et qu'il s'est fié à sa mémoire. Deux exemples bénins: les mariés n'allaient pas se changer au sortir de l'église (p. 241) mais bien après la réception où ils revenaient, en tenue de ville, saluer leurs invités avant de partir en voyage de noces. Par ailleurs, La soirée du hockey, au «2» (Radio-Canada) n'a jamais été diffusée «deux fois par semaine» (p. 69), sauf en séries éliminatoires. Il y aura du hockey deux fois par semaine quand le «10» (futur TVA) diffusera des matchs du Canadien, le mercredi soir.

Et, oui, le Canadien a gagné la Coupe en 1968 et il n'y a même pas eu d'émeute...

Québec 68 - L'année révolution

Benoît Gignac

Éd. La Presse, 272 pages, 39,95$

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